actu_17509_vignette_alaune

"Le brand content est trop souvent un alibi créatif..."

"Le brand content est trop souvent un alibi créatif pour les agences media", selon Pascal Crifo, directeur de Fred & Farid Media Il nous dresse un premier bilan de la jeune agence media et revient sur l'opération Carambar.

Quelques mois après le lancement de FF Media, quel est votre bilan ?

 Pascal Crifo : Il est positif, car nous sommes dans nos objectifs, quasiment à l’équilibre, ce qui est bien en période de crise et dans l’année de lancement. Cela permet d’investir et d’être relativement confiant pour le futur.

Il y a un vrai écho de la part des annonceurs sur notre approche qui est différente de ce qui existe dans les autres agences media. Nous mixons différentes cultures : stratégiques, créatives et media. Nous avons gagné quelques très belles marques en début d’année et nous avons réalisé des opérations très marquantes comme pour Carambar par exemple.

Tout cela crée une dynamique positive. Quand on lance une activité, il faut que les idées que l’on emmène soient intéressantes, que nous aidions nos clients à atteindre une vraie dynamique commerciale.

Avec la crise, la pression sur les investissements est plus forte, il faut être plus malin dans la façon d’émerger, beaucoup plus efficace et efficient. Pour une agence comme la nôtre, c’est une opportunité de montrer que nous sommes capables de faire mieux avec moins.

 

Quels sont vos clients ?

Pascal Crifo : Nous avons une gestion par projet pour les clients de l’agence et nous avons des clients en propre sur lesquels on fait de l’achat media. Nous en avons aujourd’hui sept dont Lentillesmoinschers.com pour qui on s’occupe de toute la stratégie media et de l’achat d’espace. Mais nous sommes sur d’autres compétitions dont on espère de bonnes nouvelles.

L’objectif que nous nous sommes fixé avec Fred & Farid, est de structurer une offre qui soit différenciante et d’avoir des résultats, puis de se construire par l'acquisition de nouveaux clients puisque nous sommes indépendants. Coyote, Oyo, Weight Watchers, Lentillesmoinschères.com, Equidia, Hema, Domyos et Kalenji nous ont confié leur stratégie, conception et achat media.

 

Quelle est votre vision du Brand content ?

 Pascal Crifo : Le brand content est trop souvent un alibi créatif pour les agences media alors qu'il faut plutôt se poser trois questions essentielles : est-ce que le message véhiculé est bon pour la marque ? Est-ce que cela crée des conversations de qualité entre la marque et l'audience et enfin est ce que cela fait bouger les chiffres? 

En amont de cette réflexion, au stade du concept, il faut aussi se poser la question essentielle : est-ce que c'est intéressant pour l'audience ? Audience qui, comme le disait Howard Gossage, s'intéresse exclusivement à ce qui est intéressant.

Comme dans toutes les disciplines de la communication, la valeur de l'idée est donc le juge de paix et celle-ci n'est pas l'apanage d'une catégorie de structure ou d'une autre. Les bonnes idées sont une question de talent et non d'organisation ou de position sur le marché. Les stratégies d'orchestration qui ont pour but de les faire émerger doivent elles aussi s'appuyer sur le talent plus que sur des principes d'automatisation ou de quantité qui ne conduisent à aucun résultats.

 

 

Vous avez conçu l’opération Vine pour La Redoute, votre modèle d’agence media semble différent des agences historiques ?

Pascal Crifo : Nous intégrons la digitalisation de tous les media. Nous ne sommes pas dans une logique de stratégies des moyens qui privilégie l’empilement. Nous souhaitons que les marques émergent. Par conséquent, on doit ajouter à l’expertise media une logique d’orchestration qui s’effectue de plus en plus en temps réel.

C’est ce que nous avons fait pour Carambar. On a émergé sur l’ensemble de population en cinq jours sans investissement media car il y avait une bonne idée au départ.

Cette logique d’orchestration est valable pour toutes les grandes marques. Cette orchestration mêle des expertises qui sont un peu atomisées dans les grandes agences media car il est très compliqué de tout agréger (ex : le social media).

Notre approche est vraiment de faire concourir les moyens et de les orchestrer, selon le pouvoir d’achat et la puissance des annonceurs, c’est d’autant plus spectaculaire quand ils n’en ont pas beaucoup. En revanche, c’est garant d’efficacité quand ils en ont beaucoup. Nous savons bien qu’il ne suffit pas d’additionner les contacts pour que les gens achètent.

 

Vous avez donc œuvré au buzz de Carambar ? A part les retombées media qui étaient spectaculaires, avez-vous des chiffres concernant la marque directement ?

Pascal Crifo : Oui, c’est un projet Fred Farid Group. Nous avons travaillé avec les équipes digitales de Kids Jetlag. Nous avons piloté l’orchestration, la stratégie, la conception.

Les brand tracking sont très positifs puisque nous obtenons 95% d'agrément positif sur l'opération auprès de la cible. Nous sommes à +20% en résultats business sur avril et mai, + 25 % en part de marché en avril, ce qui est considérable. 

Cette opération a été très puissante, on a eu l’équivalent d’une année de com. en 4 jours, nous avons été présents sur les mass media, le web et même les talks show « pop culture » comme les Guignols. Ce qui est intéressant aussi dans une logique d’orchestration, c’est qu’il ne faut pas compter les GRP, mais les GRP par séquence, c’est là où l’on peut juger des résultats.

Les consommateurs n’étaient pas dans une démarche de critiquer la marque, mais de critiquer la nouvelle.

 

Que va faire Carambar après ce buzz ? Y aura-t-il une nouvelle prise de parole ou la marque va t-elle se contenter de ce coup ?

Pascal Crifo : Effectivement, nous avons changé le scénario en temps réel, en révélant la chute quelques jours plus tôt, car nous savions que nous ne tiendrions pas jusqu’au 1 avril. Le 2 avril, nous avons commencé l’opération promo qui s’appelait « le mois de la blague ». L’opération a été le grand sas de préparation de l’opération de promotion. Cela démontre qu’en ajoutant de la créativité et de la stratégie media, on peut préparer les consommateurs à rentrer plus facilement dans la promo.

Nous travaillons sur une nouvelle prise de parole mais pour 2014 cette fois.

Certains twittos ont reproché aux journalistes de ne « pas avoir fait leur travail » or la direction marketing de Carambar a bien confirmé l’info ? Ne sont-ils pas échaudés ?

Pascal Crifo : Les porte-paroles ont été questionnés car au début du buzz, certains journalistes ont eu des doutes, donc ils ont maintenu l’information, qui était : « Carambar passe au ludo- éducatif ». Nous étions vraiment dans une logique de blague et il y a eu, il est vrai, quelques vexations sur ce sujet, comme pour une caméra cachée.

Mon sentiment, c’est qu’il faut replacer ce buzz dans deux éléments de contexte : le premier est qu’il s’agit de la marque de la blague qui fait une blague – beaucoup de journalistes se sont doutés qu’il s’agissait d’une blague et ont dès lors, en donnant l’info fait un clin d’œil ou émit l’hypothèse d’un coup de pub. Beaucoup ont souri et sont passés à autre chose, rattrapés par l’actualité et notamment par l’affaire Cahuzac. 

Le second, Carambar est une marque clin d’œil et qui a l’autorisation de langage de faire cela, ce qui ne serait pas le cas si c’était Areva ou d’autres marques.

Le prochain buzz marchera si l’idée est bonne et qu’elle engage les gens. On ne peut jamais faire deux fois la même chose c’est certain, mais le prochain buzz peut marcher. Il faut à chaque fois les réinventer. Sur Twitter, nous sommes à 80% d’agrément, 20 % de neutralité ou de désagrément. Pour les journalistes nous sommes plutôt à 70/30 au moment de la révélation.

Ce qui est intéressant c’est le temps réel lorsque tout le monde est concerné : les consommateurs, les mamans, les communicants qui commentent puis les journalistes.

Avec cette opération, on a monté l’escalier du buzz. D’abord les blogueurs, puis les chasseurs de buzz s’en s’ont saisi, puis ensuite les têtes de pont des marques media… On a vu d’autres buzz qui se sont moins bien passés comme Cuisinella qui n’a pas cette autorisation de langage. Un faux meurtre, 13 ème Rue pourrait éventuellement le faire, c’est dans son code génétique et encore tout dépend de l’actualité.

Quand on voit toutes les images produites par les consommateurs avec la marque Carambar, on se rend compte à quel point la marque fait partie de leur vie, qu’effectivement c’est une de leur balise. C’est un sujet joyeux et les gens l’ont pris avec ce niveau-là de légèreté.

 

 Vous confirmez que le métier en agence media a changé ?

Pascal Crifo : Oui, le métier est en train de changer très vite, il va encore plus changer dans les années à venir et d’abord par la culture du media social. Chez FF Media les gens sont actifs sur les réseaux sociaux, c’est une obligation. On comprend toute la logique d’orchestration quand on est sur Twitter : comment on fait émerger un sujet, comment on va chercher des insights consommateur… On comprend le cœur de notre métier, qui est de faire émerger des messages et des marques sans même parler de créativité. On voit à quel point l’opération Carambar peut être un accélérateur pour les marques dans le cadre de leur stratégie des moyens, de maîtriser les réseaux sociaux. En tant que stratège media, c’est l’essentiel tout comme l’efficacité, le rendement, la vente.

Les marques sont en train de se structurer, d’intégrer la culture car elles se rendent compte des potentiels offerts par les réseaux sociaux.

Les marques media évoluent vite également, notamment avec la sociale TV et l’exemple réalisé par TF1 autour de The Voice en témoigne. Un peu en retard pendant un temps, elles ont repris de l’avance sur le digital. Pour la première fois depuis quelques mois, on peut zapper grâce à Twitter. Les live tweet permettent aux gens de changer de programmes. D’ailleurs on ne parle plus de TV Connectée, c’est très technique, la réalité du consommateur, c’est la télé sociale. C’est très intéressant pour les marques car cela ouvre de nouvelles sphères d’émergence. L’actualité, les programmes TV sont commentés mais les pub également. Sur un lancement de plateforme de communication, il y a forcément un volet social media sur les premiers contacts, c’est une évidence.

Aujourd’hui, nous ne sommes plus sur les mêmes logiques, nous sommes sur des séquences très courtes, on le constate dans les mesures d’efficacité media : il faut enclencher une dynamique immédiate que l’on soit en promo, en lancement, travail d’image, car il y a toujours une histoire plus forte qui arrive derrière. C’est un phénomène amplifié par les réseaux sociaux qui sacralise un peu le présent. Sur Twitter, chaque seconde devient un sujet. Du coup, il y a vraiment une culture du présent et du temps réel et donc de la séquence immédiate.

C'est assez sclérosant et schizophrénique car nous sommes dans une urgence permanente. Lors de la construction des stratégies il faut en tenir compte.

Nous utilisons beaucoup la presse quotidienne, non pas pour ses performances en comparaison à la télé, mais parce que c'est un marqueur d'opinion et d'actualité au temps T qui est pertinent quand on lance un projet. C’est aussi cela qui valorise les marques media. Dès qu’on intègre la valeur de l’audience dans un plan media, on ouvre de nouvelles opportunités d’émergence qui ne sont pas forcément celles « drivées » par la quantité de contact.

 

Propos recueillis par Virginie Achouch

commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire