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L'expérience : nouvel enjeu du design

Nicolas Capéran, Creative Director chez W&Cie et membre du jury Design sur Cannes dresse les tendances qu'il a noté lors de cette dernière édition.

Quelles sont les tendances que vous avez pu noter lors des Lions Cannes ?

Nicolas Capéran : Avec le digital, le design ne parle plus seulement d’une typographie, d’une couleur, d’un volume… il prend une autre dimension : l’expérience devient essentielle dans nos démarches. La force du digital permet d’animer et de prolonger l’histoire, d’avoir de nouveaux territoires de jeux. Même sur les posters qui restent un media très classique, on se doit de trouver une autre dimension au projet, de lui donner un caractère exceptionnel en utilisant des techniques nouvelles. On a tendance à rechercher la valeur ajoutée qui donne une dimension supplémentaire à l’objet.

Du coup, les catégories sont de moins en moins facilement définissables. C’est la première année qu’il y a eu autant de changements de l’une à l’autre. On n’arrivait plus à savoir où nous devions ranger les campagnes. Le Grand Prix (Auchan - THE SELFSCAN REPORT  par SERVICEPLAN Munich) reflète complètement cette tendance cross canal : entre le digital, l’expérience client, le graphisme et surtout le mobile qui prend de plus en plus de place. Il s’agit d’un rapport annuel et cette catégorie, depuis deux ans, s’est incroyablement transformée : elle est passée du print, au site internet et maintenant le curseur est allé plus loin pour aller jusqu’au mobile. C’est une tendance générale : le portable devient l’acteur central de tous les canaux.

Les Lions Cannes sont d’abord les prix de la création publicitaire, le design a été introduit récemment et il doit encore y trouver sa place. Où s’arrête le design, où commence la pub ? Pour nous, il était essentiel de reconnaître des dispositifs où le design était au coeur de la compréhension de l’objet.

Avez-vous retenu des projets particulièrement intéressants ?

Nicolas Capéran : Le projet d’un magasin vide : le gens venaient y déposer leurs vêtements pour qu’ils soient donnés à une œuvre de charité. Il aurait d’ailleurs pu recevoir le Grand prix s’il n’avait pas été dans la catégorie « charity ». Le process de vente était inversé et la réalisation du projet était extrêmement bien faite. Il y avait beaucoup « d’humain » et l’expérience proposée était assez inoubliable, évidemment, tout le design était magnifique.

Les projets que nous avons mis en avant ne bénéficiaient pas forcément de gros moyens mais ils amenaient un univers supplémentaire à la marque et lui apportaient une valeur humaine et sociale. On se rend compte qu’il est important pour chaque marque d’apporter plus que leur produit, par l’expérience ; elles se doivent maintenant d’avoir une volonté sociale, de construire un monde meilleur.

Quelles leçons les acteurs français du design pourraient retenir de cette édition de Cannes ?

Nicolas Capéran : L’Europe avait moins de place que d’habitude, hormis l’Allemagne. Et il faut se bouger et s’ouvrir. Le niveau de qualité est vraiment très impressionnant sur toutes les productions des pays émergents.

Le Japon comme l’Angleterre restent au-dessus de la moyenne. Peut-être que le fait d’être une île les habitue à se confronter à d’autres cultures. Les japonais arrivent à un niveau de simplicité, centré sur l’objectif, qui les rend d’emblée universels.

Nous n’avons pas à rougir, les productions françaises comptent parmi les meilleures. Mais nous devons chercher des idées fortes. Elles partent souvent de choses très simples. Réfléchir c’est bien, mais enclencher c’est mieux. On a tendance à trop intellectualiser. Etre plus proche des émotions, être simple et ne pas trop se prendre la tête. Nous avons toujours la tentation d’être trop analytiques.

Il faut absolument être international, même pour les petites agences. Il reste de la place pour des créations avec des identités très locales, mais il faut dans ce cas-là qu’elles aient une dimension très humaine. Je pense aux portraits réalisés en paille représentant des paysans indiens décédés qui avaient un sens très fort, même si la technique utilisée est très traditionnelle.

Dernier point, il faudrait que le design reconnaisse les Lions Cannes comme un festival important pour notre industrie.

 

Propos recueillis par Béatrice SUTTER

 

Nicolas Capéran est Creative Director chez W&Cie 

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