
Eric Aderdor, président du SRI, a la conviction qu'un meilleur soutien du secteur du digital profiterait à l'ensemble de notre économie. Il livre ses propositions.
La conjoncture se tend sur le marché de la publicité digitale. Pensez-vous qu’il existe des leviers de croissance ?
Eric Aderdor : Sur l’année 2012, la France a connu une croissance des investissements publicitaires sur le digital de 5%. C’est honorable. Mais si nous remettons ce chiffre en perspective par rapport aux Etats-Unis qui font +21%, au Royaume-Uni qui affiche +15% ou à l’Allemagne qui est à +13%, on ne peut être que très motivé pour aller chercher les leviers de croissance.
Le digital pourrait représenter une part beaucoup plus significative dans les investissements publicitaires. Mais pour pouvoir faire en sorte de développer les investissements publicitaires sur le digital aujourd’hui, encore faudrait-il que les entreprises aient un site internet sur lequel rediriger leurs campagnes. Or, selon une étude de l’OCDE, la France occupe le 21ème rang en termes de taux d’équipement des entreprises en sites internet. Je ne vous parle même pas du mobile ! C’est incroyable qu’un pays comme la France, dans le top 5 des puissances mondiales, soit encore si en retrait sur ce point.
Le SRI milite pour que l’Etat soutienne le secteur du digital. A quel type d’aide penseriez-vous ?
Eric Aderdor : Le digital participe activement au développement du pays et a un potentiel de croissance incroyable. France Digitale a publié avec Ernst & Young une étude qui montre que les entreprises du digital sont celles qui ont le plus fort taux de croissance et elles embauchent massivement : + 25 % d’effectif d’année en année, avec une part belle faite au moins de 25 ans. L’autre élément notable, c’est que 39% du chiffre d’affaire de ces mêmes entreprises est fait à l’international.
Il faut soutenir ces entreprises, c’est évident : peu de secteurs affichent de tels taux de croissance. Des aides pourraient être envisagées pour aider l’innovation et la R&D. Quand ces entreprises investissent 100 dans leur R&D, elles ne sont soutenues qu’à hauteur de 30%. C’est extrêmement peu si nous voulons créer les champions du monde du digital français de demain.
On pourrait également opter pour une fiscalité qui soit plus légère sur les recrutements des moins de 25 ans. Je suis à peu près sûr que beaucoup d’entreprises dans le digital recruteraient plus si elles bénéficiaient d’un allègement significatif des charges.
De la même manière, pourquoi ne pas penser à défiscaliser à 50% les dépenses publicitaires des annonceurs, quels qu’ils soient, sur le digital pour continuer à accélérer ce mouvement. Il faut savoir que la majorité des revenus des start-up proviennent de la pub.
On a des gens qui ont un talent exceptionnel. On pense avec raison à Xavier Niel, Marc Simoncini ou Jacques-Antoine Granjon… mais il y en a beaucoup d’autres. Beaucoup de petites entreprises créent de la valeur et s’internationalisent très vite. Il faut les accompagner car elles participent au dynamisme de toute notre économie.
Dans un climat de crise, beaucoup d’entreprises peinent à se réinventer. Pensez-vous que cela soit le meilleur moment pour le faire ?
Eric Aderdor : La crise que nous traversons est autant structurelle que conjoncturelle. Le digital redéfinit et remet en question tous les business models et cela touche tous les secteurs : l’automobile, les compagnies d’assurance… Ce mouvement est inéluctable. Le digital propose de formidables opportunités pour mieux toucher sa cible, être plus proche de ses clients, mieux les connaître et mieux répondre à leurs attentes. Il y a clairement une prise de conscience à avoir. Je crois qu’il faut choisir d’accélérer la digitalisation de nos modes de fonctionnement plutôt que d’être dans une position attentiste. Ce n’est pas un mal nécessaire, c’est un bien nécessaire pour éviter d’être en retrait par rapport aux autres pays, aux autres économies.
On a toujours traversé des révolutions, des mutations qui font que si un cycle se termine, un autre commence. Les entreprises doivent entrer dans ce mouvement et se réinventer. Il y a peut être en France un problème générationnel, qui fait que, parfois, on ne veut pas prendre de risques : changer, modifier foncièrement nos modes de fonctionnement, nos investissements en R&D… A 5 ou 10 ans de la retraite, on hésite parfois à remettre les choses en question.
Mais il faut être fier de ce que l’on fait en France. Nous savons créer, innover et développer. Aujourd’hui, nos dirigeants, quels qu’ils soient, doivent prendre conscience que le digital doit être soutenu et développé. Il y a beaucoup de talents et d’envies, c’est un secteur en pleine croissance. Mettons-le à l’honneur.
Propos recueillis par Béatrice SUTTER
Eric Aderdor est président du SRI depuis septembre 2012. Il est Directeur Général d’Horyzon Media depuis 2006. Depuis janvier 2013, il est aussi DGA de Solocal network (entité Grands comptes de Solocal). De 2002 à 2005, Eric Aderdor a été Directeur de régie chez Spir communication.
A propos du SRI : Le Syndicat des Régies Internet (SRI) a été créé en juillet 2003 à l'initiative des principales régies publicitaires françaises afin de promouvoir et développer le média Internet en France.
La démarche du SRI : soutenir les investissements et le développement du média Internet, valoriser les spécificités et la compétitivité du média, faciliter l'accès au média Internet par une professionnalisation et une simplification des offres, exploiter la créativité du média, et assurer la représentativité du Syndicat auprès de l’ensemble des acteurs de la publicité interactive.
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