
Lors de la première journée de l'événement Afrobytes, avait lieu une conférence sur l'impact des décisions politiques sur la croissance de l'écosystème africain. En est ressorti de la part des intervenants une grande défiance à l'égard de leurs représentants.
C’est finalement dans les locaux du Medef, et non à Station F comme il était prévu de le faire initialement, que s’est tenue la seconde édition d’Afrobytes. L’événement, qui a lieu du 8 au 9 juin à Paris, se veut être un pont entre la tech africaine et européenne. La salle de l’auditorium, dont l’un des murs est « tagué » d’un « L’entreprise c’est la vie ! » un poil kitschoune, accueillait une conférence sur l’impact des décisions politiques sur la croissance de l’écosystème africain. Étaient invitées à prendre la parole Rebecca Enonchong, CEO de Appstech, un fournisseur de solutions pour les applications d’entreprise et Melissa Blaustein, fondatrice et PDG du groupe de pression Allied for Startups. Charge à Miriam Quansah, de la BCC, d’animer la conversation.
Afrique, terre de charité
Première question posée par Miriam Quansah à l’auditoire : « Qui est entrepreneur dans la tech ? » Quelques mains se lèvent, puis : « Qui souhaite le devenir » ? Rebelote, et enfin : « Qui a de l’argent à donner à ces entrepreneurs ? » Rires dans la salle. « Nous avons tous un rôle à jouer », glisse-t-elle en guise d’introduction. Car la question du financement est l’une des priorités pour les entrepreneurs du continent africain. En 2015, a été lancé The African Business Angel Network’s, une association qui oeuvre, notamment, pour que les Africains investissent davantage en Afrique. « C’est un réel problème, commente Rebecca Enonchong. car la plupart de l’argent vient de l’étranger. »
« Le problème, précise-t-elle, est que les investisseurs soutiennent l'entrepreneuriat dans un esprit caritatif. Ils voient ces investissements comme quelque chose de charitable, et non comme un réel investissement. » D’après elle, investir en Afrique se résumerait à lutter contre la pauvreté ou venir en aide aux femmes. Objectif louable, mais il faut parvenir à dépasser cet état de fait. « C’est comme si, dit-elle, l’Afrique n’était qu’affaire de charité. » Pour Rebecca Enonchong, cette vision du continent freine les aspirations des acteurs de la tech. Presque inconsciemment, il deviendrait interdit de « faire de l’argent » en Afrique, sous prétexte justement qu’il faudrait « s’occuper de ces problèmes » avant toute autre chose.
Défiance à l'égard des gouvernements
La seconde partie du débat s’est focalisée sur le rôle, positif ou non, des gouvernements dans l’économie digitale. « Les gouvernements n’aiment pas le digital parce que c’est une expression de la liberté », entame la CEO de Appstech. Elle résume : « Pour beaucoup de gouvernements, Internet égal réseaux sociaux, égal révolution. Donner accès à Internet, c’est avoir la révolution à la fin. » Rebecca Enonchong, qui est originaire du Cameroun, en sait quelque chose.
Le 17 janvier, en réponse à un mouvement de grève de la part des enseignants et des avocats du pays, le gouvernement camerounais a décidé d’interdire Internet. Au lendemain de l’annonce, le hashtag #BringBackOurInternet était lancé sur Twitter afin de faire pression sur les autorités. « Quand vous avez un gouvernement qui décide de couper Internet, c’est qu’il n’a rien compris à l’économie digitale », tranche Rebecca Enonchong.
« N’ayez pas peur »
Alors, Miriam Quansah insiste : « Quel rôle positif peuvent jouer les gouvernements ? » La réponse de Rebecca Enonchong ne se fait pas attendre : « En tant qu’entrepreneur, contentez-vous de rester en dehors de mon chemin. » Et de citer l’exemple suivant : « Il y a quelques semaines, le gouvernement avait organisé une énorme conférence pour parler de l’économie digitale au Cameroun. » Seulement voilà : aucun entrepreneur camerounais n’est présent dans la salle. « Ils n’étaient pas juste en dehors de la pièce, ajoute-t-elle. Ils se trouvaient en dehors du bâtiment, en train de regarder la conférence derrière un écran de télévision. Voilà une preuve supplémentaire que nos représentants ne comprennent pas l’économie digitale selon moi. Si j’avais un message à donner au président camerounais, ce serait : "N’ayez pas peur". »
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