
La « transfo », que ce soit dans les grandes entreprises ou les PME, ce terme est sur toutes les lèvres. Pourtant, côté dirigeants c'est encore le flou artistique et côté prestataires, c’est souvent du biz avant tout. Mais au cœur du sacro saint digital, quelle place à l’humain, pourtant tellement marketé ? Peut-être serait-il temps de se questionner et de revoir notre état d’esprit si nous voulons éviter de passer à côté de l’essentiel. Tribune à cœur ouvert.
Nous sommes en 2024 et petit à petit, partout en France, la sentence tombe. La transformation numérique des entreprises reste pour beaucoup un énorme échec. Les dirigeants dressent les premiers bilans sérieux après avoir entamé ce chantier il y a plusieurs années, réalisant que la conduite du changement requiert bien plus de temps que prévu. Et malgré les initiatives et les solutions mises en place, souvent coûteuses, les résultats sont décevants : manque d’adhésion en interne, sécurité douteuse, manque d’évolution ou encore de cohérence avec l’ADN de l'entreprise. Elles se sont ainsi majoritairement équipées mais se retrouvent finalement dotées d’écosystèmes digitaux inadaptés et réalisent que leurs investissements sont assez peu rentabilisés, pour ne pas dire perdus.
Plusieurs raisons expliquent cet échec cuisant. Eric Boisson, CEO de l'agence digitale ZOL, est aux avant-postes pour en prendre la mesure et tenter de faire un peu de pédagogie.
Des prestataires et des solutions qui posent question
Soyons honnêtes, la situation est guère vertueuse. Nous pourrions parler d’une certaine forme d’hypocrisie. Certains prestataires n'hésitant pas à jouer sur la corde sensible, l’argent, pour s'assurer de signer un nouveau contrat avec des solutions digitales au rabais même si elles ne répondent pas réellement aux besoins spécifiques du client. Avec un marché particulièrement difficile ces derniers temps et une activité économique en baisse, c’est encore pire, on voit certains prestataires promettre du crédit d'impôt fallacieux pour remporter l’affaire alors que le projet du client n’a rien de vraiment innovant et qu’il ne sera finalement pas éligible, mais ça le client le découvrira plus tard, et surtout trop tard puisque l’affaire sera déjà signée.
De manière générale, on peut regretter une démarche un peu trop courtisane avec des prestataires parfois frileux à l’idée de froisser les dirigeants et n'osant pas leur dire franchement les choses, que leurs choix, leurs investissements ne sont pas les bons, que leurs outils sont obsolètes voire inefficaces, ou encore encore que leur entourage interne ou externe, n’est pas toujours de bon conseil. Il n'est pas toujours facile de dire les choses, de challenger un client, de le contredire ou de lui dire des vérités qu'il n'a pas forcément envie d'entendre. Cependant, il va sans dire qu'une conduite de changement dictée par un pilotage de convenance, voire politique, ne peut produire des résultats probants.
Enfin, il faut bien admettre que les entreprises sont inondées de solutions génériques, préfabriquées mais sans que les dirigeants soient clairement informés des limites de ces solutions. Prenons par exemple WordPress, un outil de gestion de contenus, qui se retrouve parfois détourné en outil métier qui n’a plus rien à voir avec sa fonction initiale. Il est ainsi transformé en outil central pour l’entreprise, ce qui conduit à des écosystèmes totalement instables, inadaptés et qui ne pourront évidemment pas évoluer avec l’entreprise. Là encore, les dirigeants le découvrent souvent trop tard, lorsqu’ils se retrouvent bloqués (ou piratés) conduisant à des investissements et des transformations ratés avec toute la frustration et la défiance qui va avec, tant côté utilisateurs que décideurs. Notons le quand-même, en 2018 (et on aimerait vous dire que ça s’est amélioré depuis), 90% des sites web piratés étaient sous WordPress, ça donne malheureusement une petite idée des enjeux de sécurité des solutions préfabriquées.
Des dirigeants insuffisamment armés
En France, la moyenne d'âge des dirigeants d'entreprise (hors start-up, évidemment) se situe aux alentours de la cinquantaine et même un peu plus. Il y a donc sans doute un facteur générationnel à considérer. Les chefs d’entreprise en place n'ont en effet pas tous été sensibilisés aux enjeux du digital. Or, de par leur position, ce sont eux qui insufflent la stratégie globale. Avec une telle responsabilité, ne pas avoir conscience du caractère central de la numérisation de leur entreprise et surtout de la manière de le faire correctement est une des premières raisons d’échec. Comme le souligne Éric Boisson : « Cela peut faire sourire, mais en 2024, le fait que l’outil prédominant en matière de transformation numérique soit encore Excel témoigne d’une chose : les solutions mises en œuvre ne sont pas adaptées aux besoins des utilisateurs finaux. Au fond, chacun cherche à se faciliter la vie, à faire plus simplement, et utilisera donc l’outil qui lui conviendra le mieux, même si cela va à l’encontre des intérêts globaux de l’entreprise. C’est une catastrophe en termes de productivité, de maintenance ou encore de sécurité, je ne suis pas certain que les dirigeants en soient tous conscients. ». Pour rappel, une PME sur deux s'est fait hacker en 2023.

De manière générale, les dirigeants abordent le digital avec une certaine défiance, ce qui est compréhensible, car cela ressemble surtout à une jungle jargonneuse. La plupart se sentent perdus et déçus. Ainsi, au lieu de considérer ces investissements comme stratégiques, ils sont d’abord méfiants. Malheureusement, ce réflexe défensif finit par desservir leur entreprise. En retenant des informations cruciales sur leurs besoins, leurs enjeux et leurs budgets, aucune solution parfaitement adaptée ne peut être trouvée, entraînant des collaborations poussives, coûteuses, souvent décevantes, et renforçant encore un peu plus la méfiance des dirigeants. C’est paradoxal et contre productif : les entreprises abordent le numérique avec distance et réticence, alors que c’est un actif majeur pour leur développement.
L’empathie, la clé évidente et pourtant cruellement manquante
Rassurons-nous, il est encore tout à fait possible de sortir de l'impasse et de remédier à cette situation. Cela réclame de repenser radicalement la manière dont les entreprises abordent leur transformation digitale et dont les prestataires les accompagnent.
Comment y parvenir ? En commençant par une démarche empathique et sincère auprès des dirigeants, une écoute attentive et profonde des besoins spécifiques de chaque entreprise, à l'opposé des approches génériques et purement mercantiles. Une démarche qui doit être sur-mesure, profondément sur-mesure, afin de répondre aux particularités de chaque organisation, de chaque utilisateur, qu’il s’agisse de collaborateurs ou de clients. Mieux servir la singularité d’une entreprise et donc permettre de la différencier, passe inévitablement par une vraie écoute et compréhension de ce qu’elle est, de ses besoins et aussi de ses dysfonctionnements (pour les corriger). Sans cette démarche de la part des prestataires, la défiance des entreprises persistera et les collaborations continueront d’être en échec, ainsi que les solutions proposées.
Du côté des dirigeants, il est essentiel qu'ils abordent leur transformation digitale autrement. Ils doivent en effet cesser de la traiter à moindre coût avec une vision à court terme. Il est crucial qu'ils adoptent une attitude empathique envers leurs collaborateurs, en les impliquant dans le processus et en co-construisant avec eux l'écosystème dont ils ont réellement besoin. Cela s'applique également à leurs clients. Et puis cette approche doit également s'appliquer aux prestataires, en établissant des relations basées sur la confiance, l'écoute et la transparence, afin de co-construire de manière sincère. Cela semble évident et pourtant…
Comme le souligne Eric Boisson : « Chaque entreprise est unique. Tout dirigeant défend cette singularité, qu'il s'agisse de la sienne, de son organisation, de ses produits ou de ses services. Le digital ne doit pas venir gommer ces différences. Au contraire, il doit les mettre en valeur et les servir ! Chacun cherche du sens et a besoin de ressentir et d'adhérer à quelque chose, et le digital n’échappe pas à cette règle. C'est cette singularité qui fait qu'un collaborateur adopte l'outil qui lui correspond ou qu'un client s’arrête et revient sur un site parce qu'il ressent ou qu’il s’y passe quelque chose de différent ! A défaut, en cherchant à tout templatiser, à tout uniformiser, il ne faut pas s’étonner que les transformations digitales soient encore très souvent ratées ! »
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