Comment la Covid-19 a-t-elle contaminé le rapport annuel ?

Comment la Covid-19 a-t-elle contaminé le rapport annuel ?

Avec Agence WAT
© Ghulam Hussain via Getty Images

Cette première saison des rapports annuels « post-loi pacte » aurait dû être celle de la raison d’être (elle l’est quand même un peu)... Mais que peut-on retenir de ce millésime un peu à part ?

Après avoir passé au peigne fin plus de 150 rapports annuels français et internationaux, l’agence WAT livre les pistes des meilleurs rapports annuels 2019.

Rapport 2019 : un manque d’inventivité

Editos réécrits dans l’urgence, portfolios ajoutés, chemins de fer bouleversés, vidéos repensées, assemblées générales tenues à huis clos… : le rapport annuel a subi la crise de plein fouet. Une situation inédite qui explique probablement le manque d’inventivité de l’exercice 2019. Ceci dit, la Covid-19 n’est sans doute pas la seule responsable. L’influence du rapport intégré pousse aussi à un exercice toujours plus synthétique (le lecteur ne s’en plaindra peut-être pas), mais aussi plus codifié et normalisé.  Résultat : celui-ci tend à se rapprocher du document de référence, désormais appelé Document d’Enregistrement Universel, voire à le réintégrer. Ce DEU est d’ailleurs cette année souvent le seul et unique document publié. Les réductions budgétaires et la difficulté à intégrer les « KPI » ont aussi eu la peau du rapport annuel digital, site et réseaux sociaux compris. A quelques exceptions près, parmi lesquelles figurent en bonne place : Bouygues Construction, Puma, Unibail-Rodamco mais aussi John Wayne Airport et KPN en dehors de nos frontières.

Montrer des bases solides et les actions menées pour participer à l’effort collectif

Si la Covid-19 est omniprésente dans les pages des rapports annuels, c’est essentiellement pour mettre en exergue les actions menées pour participer à l’effort collectif (comme chez Suez ou BNP Paribas) ou pour remercier les collaborateurs (chez Alten ou le néo-zélandais Mainfreight). La crise a aussi poussé les entreprises à se montrer « solides sur leurs bases » en revenant sur les temps forts de leur histoire, en valorisant leurs collaborateurs ou en partageant leur raison d’être. Le champ sémantique se veut d’ailleurs rassurant : lorsque l’APEC « fait face », ADP met tout le monde sur le pont pour « redécoller ».

Si certains jouent la carte de la solidité et de la performance, d’autres optent pour l’humilité. C’est le cas notamment d’Orange qui aspire à « se montrer à la hauteur » ou Arkema qui nous enjoint à « garder confiance en l’avenir ». Certains (audacieux ? ) se sont même risqués à imaginer le monde d’après comme Pirelli qui ouvre ses colonnes à Emmanuel Carrère et à John Seabrook pour un témoignage inspiré sur « la nouvelle normalité ». Dans la même veine, le Groupe La Poste et La Banque Postale affichent eux fièrement leurs taux de télétravailleurs, quand Capgemini nous présente le « manager connecté » qui encourage et accompagne cette nouvelle pratique auprès de ses équipes. Une manière de commencer à dessiner des organisations bouleversées (pour le meilleur ? ) par la crise.

Passer de la raison d’être à la raison d’agir

Avec une bonne quinzaine d’entreprises du CAC 40 qui présentaient leur raison d’être cette année en assemblée générale, elle est même omniprésente. Atos, Axa, Groupama et bien d’autres en font même le pilier (voire le titre) de leur édition 2019. Le passage obligé sur ce sujet, c’est la pédagogie. Hormis chez les dirigeants et les communicants, le concept de raison d’être reste plutôt abstrait pour les lecteurs. Conséquence :   ce sont les patrons qui décryptent et expliquent. Quand Thomas Buberl, Directeur général d’AXA, légitime l’utilité de la raison d’être en temps de crise ( « elle éclaire la direction à prendre et donne un cadre aux actions que nous menons » ), son homologue au Crédit Agricole la relie au projet stratégique ( « il s’agit de passer d’une responsabilité ajoutée à une responsabilité intégrée à nos activités » ).

Loin de ne s’en tenir qu’à la pédagogie, certains se risquent même à passer de la raison d’être à la façon d’agir. Le rapport annuel se fait alors démonstratif en matérialisant ces façons d’agir au quotidien : par la stratégie (Veolia), les valeurs (Casino), les principes de leadership (Geodis), les indicateurs (MGEN), le récit de projet (Vinci), les témoignages (Groupama). Là où l’exercice reste perfectible, c’est dans l’illustration du potentiel mobilisateur de ce « why » (pourtant largement co-construit). Seuls Orange et Carrefour s’aventurent sur ce terrain avec succès en interrogeant leurs parties prenantes sur le sujet. On tire également notre chapeau aux rapports annuels engagés qui prennent position dans le débat public à l’image de Carrefour sur les prix du lait, son concurrent Auchan sur le soutien au monde agricole, la RATP sur la gestion des SDF dans le métro parisien ou encore Covéa Finance qui livre une analyse critique des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance dans la finance.

Et pour 2020, on fait quoi ? « On prend les mêmes et on recommence »

En tout cas, pour le fond du message. En 2020, le rapport annuel devrait être une démonstration de solidité et d’adaptabilité tiraillée entre le business (plus que jamais le nerf de la guerre) et les engagements. Plus encore qu’en 2019, les collaborateurs et leur bien-être devraient être au centre du dispositif (avec toute la difficulté de les montrer masqués au bureau, à la maison, en physique ou en visio). Quant à la raison d’être mue en façon d’agir, le cru 2020 aura la lourde tâche d’en apporter des preuves concrètes auprès de l’ensemble des parties prenantes dans un monde en pleine redéfinition. Côté forme, on parie sur un retour du digital ou du phygital plus adapté à des assemblées générales qui risquent, elle aussi, d’être hybrides…


Pour en savoir plus, inscrivez-vous à la matinée organisée par WAT, consacrée aux rapports annuels le 22 septembre (Plus engagé, plus engageant : le rapport annuel passe à l’offensive ! ).

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