
Nous sous-estimons encore l’étendue des ressources chinoises en matière d’innovation, de numérique et de marketing technologique. C’est l’une des affirmations que nous retenons de China Connect 2017. Premier décryptage de ces lames de fond qui cristallisent l'avenir des collaborations entre Chine et Occident.
"Les gens tendent à sous-estimer la Chine, surtout en Europe. Ils n’ont pas idée de la taille, de la force et de l’ampleur que représente l’ambition des principales entreprises de technologie chinoises."
Michael Moritz
C’est sur cette citation de l’investisseur gallois Michael Moritz, ancien de la Silicon Valley, que s’ouvrait la septième édition du China Connect baptisée "Crack The Code". Premier évènement dédié au numérique, au marketing, au mobile et aux tendances de consommation chinoises, le salon rassemble les acteurs internationaux (chinois et occidentaux) les plus incontournables du moment dans les domaines de la mode, des cosmétiques, du luxe, de l’automobile jusqu’au commerce de détail et aux produits de grande consommation.
Parler aujourd’hui d’un véritable casse-tête chinois ne relève pas de la plaisanterie et c’est ce que s’attache à nous faire comprendre Laure de Carayon, fondatrice de l’évènement. Comment décrypter la Chine ? Comment appréhender et mieux comprendre ses 800 millions d’internautes actifs ? Mais surtout, comment s’inspirer de ces géants (Tencent, WeChat, Alibaba nous sont déjà familiers) qui font, n’en déplaise au FMI, le fer de lance de la première puissance économique mondiale ?
Si nous avions déjà été prévenus quant à la rapidité de la Chine en matière d’innovation, de numérique et de marketing technologique, certains grands groupes internationaux tels que Leica, DS Automobiles ou Danone, présents lors de l’ouverture du salon, nous alertent quant à la nécessité de changer de perspective avant que la déferlante ne nous travaille au corps.
De l’usage du mobile (83% des utilisateurs chinois réalisent leurs achats depuis leur smartphone selon McKinsey), à la profusion de services accessibles de façon dématérialisée jusqu’à la maîtrise des médias sociaux, la Chine ne nous attend pas et trace sa route dans un monde où les règles du jeu sont encore entre les mains des puissances occidentales. Entre protectionnisme et ouverture au monde, la disruption chinoise est en marche. Dans ce premier article, nous nous attacherons à vous donner les clés d’une meilleure compréhension des marques et des consommateurs chinois et à mettre en lumière l’importance de l’anticipation et de l’adaptation, gages d’une bonne implantation au sein des marchés locaux.
Comprendre le marché chinois et ses "nouveaux" consommateurs
La Chine voit aujourd’hui apparaître une nouvelle génération de consommateurs, essentiellement issus des classes moyennes. Selon McKinsey, 76% de la population chinoise en fera partie en 2022 ! "Pour une majeure partie de Chinois, accéder à la classe moyenne est un réel objectif, et c’est ce que les marques doivent comprendre." affirme Calvin Chan, créateur de la société chinoise AdMaster.
Parallèlement, "les produits impliquant une prise de décision engagée construisent les bases d’un nouveau champ de bataille extrêmement concurrentiel" poursuit-il. Il s’agit alors de prendre en compte ces insights et d’y répondre via des services à la communication rodée et dont les codes doivent respecter certaines notions esthétiques que nous n’avons pas pour habitude de voir en Europe.
En ce qui concerne la publicité, et si les règlementations en termes de censure sont plus sévères, les consommateurs chinois en sont abreuvés à longueur de journée. La notion de saturation en ce qui concerne l’exposition à des contenus publicitaires semble y être moins prégnante : "En Chine, les gens se fichent de savoir s’ils ont affaire à une publicité ou à un contenu indépendant, parfois, il est même difficile de dissocier les deux ! " s’amuse David Ip, directeur général de QIHOO 360, le plus grand groupe chinois de sécurité informatique.
Anticiper et s'adapter pour mieux subsister
Dans sa conférence Monetizing anticipation, Pete Lin, co-créateur de l’agence We Are Social en Chine nous parle plus précisément de la difficulté de s’ajuster au marché local et d’adapter une campagne de marque occidentale aux repères culturels du pays. Selon lui, les UGC (User Generated Contents) sont obsolètes. Aujourd’hui et selon ses termes, il s’agit plutôt de parler d’ "UGC 2.0", à savoir la création de contenus de marque dont les célébrités et autres influenceurs (dont les jeunes chinois sont friands) deviennent le principal vecteur.
"Les gens ont besoin d’un leader. Si recourir aux services d’une célébrité coûte plus cher, cela vous garantit aussi la pérennité et le succès de votre marque dans le pays." explique-t-il. Encore faut-il savoir repérer ces influenceurs et posséder une bonne connaissance du star-system chinois.
Pour illustrer ses propos, Pete Lin donne l’exemple de deux campagnes We Are Social réalisées pour Beats by Dre, la première pour les États-Unis avec Lebron James en tête d’affiche, la seconde adaptée pour la Chine avec Kris Wu, l’un des KOL’S chinois (Key Opinion Leader) les plus influents du moment. Pete Lin va même plus loin en parlant d’ "UGC 2.1" : anticiper ce que les internautes vont aimer prochainement et repérer les "hot topics" du moment !
L’incontournable "cas WeChat", source d’inspiration mondiale
En Chine, c’est le drive-to-store qui prime sur le drive-to-web, et à vrai dire, inciter les utilisateurs chinois à visiter votre écosystème digital relèverait du non-sens puisque 63% des internautes ont recours à 2 ou 3 applications avant d’effectuer un achat selon l’agence Saatchi & Saatchi Chine. Parmi elles, WeChat, couteau suisse et véritable aubaine pour les marques. Utilisée par plus d’un Chinois sur deux, la plateforme permet d’envoyer des messages et de passer des appels mais couvre surtout un panel de services impressionnant : réserver une limousine ou un billet d’avion, recourir aux services d’une femme de ménage, commander un repas… tout est consommable, n’importe quand, à n’importe quel moment.
"Si le téléchargement d’applications généralistes chute, ce sont bel et bien les 'virtuals assistants' qui gagnent du terrain aujourd’hui." affirme Andre Mantovani, responsable e-commerce pour Moleskine Chine. Et tous les grands - de Facebook à Apple jusqu’à Zalando – s’en inspirent, avec toutefois bien des années de retard. On pense notamment aux bots que WeChat utilise depuis des années pour optimiser le drive-to-store, la personnalisation des offres, la localisation de magasins et la relation client.
"Nous voulions drainer cette expérience (les utilisateurs chinois chattant librement et achetant des produits de marques et de stylistes sur WeChat) et l’introduire en Europe"
Robert Gentz - Zalando
Leica, DS Automobiles… ces marques qui ont migré vers l’Est et qui réussissent
Mais il y a de l’espoir, en témoignent de nombreuses marques qui ont osé franchir le cap en s’implantant durablement sur place. Parmi elles, le fabricant allemand d’appareils photos Leica qui annonçait récemment son partenariat avec Huawei. L’objectif ? Collaborer, mutualiser les connaissances et "atteindre un niveau supérieur en termes de technique et d’ingénierie." affirme son directeur général, Olivier Kaltner.
"L’important aujourd’hui est de se tenir informé concernant ce qui proviendra de Chine, et plus seulement de la Silicon Valley."
Olivier Kaltner, Directeur Général de Leica
Côté français, la marque DS Automobiles représentée par son directeur général Yves Bonnefont, compte bien appliquer sa politique "China First" : "L’industrie automobile est en train de dévier vers l’hybride, l’électrique et les voitures connectées. Dans tous ces domaines, la Chine est une puissance pionnière. Il s’agit alors d’y travailler sur place avant de propulser ces technologies dans le reste du monde." explique le directeur français.
En définitive, le tableau n'est ni tout noir, ni tout blanc et c'est un avenir riche en collaborations qui se dessine entre Asie et Occident. Changer de perspective et miser sur l'apport de la Chine en matière de R&D, voilà un bon moyen de commencer. A suivre...
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