
Nusrat Durrani a fondé la division Monde de MTV avec pour rêve de faire découvrir toutes les cultures aux jeunes Américains. Aux Napoleons, sur scène, il a conclu ces trois jours dédiés aux nouveaux modes du Pouvoir.
Vous avez souvent dénoncé « l’impérialisme culturel ». Comment peut-on lutter contre depuis une maison comme MTV ?
NUSRAT DURRANI : Avant l’avènement du numérique, l’Occident a procédé avec ses chaînes de télévision à des bombardements ciblés par satellite. Il a imposé ses idées, sa culture… et il le fait encore. Il existe encore dans certains milieux occidentaux, en particulier aux États-Unis et en Grande-Bretagne, la notion erronée et rétrograde selon laquelle la musique et la culture pop américaines et britanniques sont la musique et la culture du monde par défaut. Rien n’est plus éloigné de la vérité. Tous les continents, toutes les nations ont une musique pop vibrante, souvent enracinée dans d’anciennes traditions, et elles sont plus excitantes que n’importe quoi d’autre à l’Ouest. Nous ne savons rien du reste du monde à part ce que nous en lisons dans les gros titres des journaux. Si nous voulons coexister avec d’autres nations, nous devrions aller à la découverte de la culture de leur jeunesse : quelle est leur musique ? Quels sont leurs rêves, leurs aspirations ?
La majeure partie de ma carrière dans les médias a été consacrée à corriger ce déséquilibre, non seulement parce que c’est la bonne chose à faire, mais c’est la façon la plus excitante de créer la culture. Ce n’est pas facile. La série Rebel Music, par exemple, portait sur de jeunes musiciens luttant contre l’injustice et l’oppression dans des lieux turbulents comme l’Égypte, l’Iran, Israël-Palestine et la Turquie. Elle présentait une vision plus humaine et plus inspirante de ces endroits sur lesquels nous sommes conditionnés à coller des stéréotypes bon marché. MTV Monde, la division que j’ai fondée à MTV, a été pensée pour apporter la musique pop du monde entier aux États-Unis et pour créer de belles contaminations dans la culture américaine. Nous avons tout présenté : du K-pop coréen à Bollywood, en passant par le death metal norvégien…
Un des personnages de Dostoïevski demande : « Est-ce la beauté qui sauvera le monde ? » Pensez-vous que la musique ait le même pouvoir ? Avez-vous des éléments de preuve pour l’affirmer ?
N. D. : Je veux être d’accord avec Dostoïevski. Peut-être que la beauté seule ne pourra sauver ce monde devenu fou, mais elle peut certainement rendre la laideur de l’inégalité, la terreur et l’autocratie plus faciles à combattre. Mon point de vue est que la tristesse n’est rien d’autre que la beauté masquée par la laideur. La musique est un puissant antidote au poison de la haine. C’est mon Jésus personnel. Et oui, c’est certainement l’une des façons de créer un monde meilleur. Je n’ai pas besoin de preuves. Je suis la preuve. Et c’est à travers la musique que je l’ai compris.
Le titre de votre intervention aux Napoléons est le « Pouvoir de l’amour ». Pourquoi ce sujet ?
N. D. : Ce sujet sera toujours un des thèmes clés de la narration. L’amour, ou son absence, est l’épicentre de notre condition. Nous tournons autour de lui, nous vivons, mourons pour lui. Dans mon dernier film, Madly, nous avons demandé à six réalisateurs venant de partout dans le monde de raconter six histoires sur leur vision de l’amour : l’amour de l’amant que vous ne pouvez pas épouser, l’amour dangereux, ou celui de la musique… Dans ce travail, j’ai voulu montrer la puissance de l’amour pour inviter au changement, pour changer les cœurs et les esprits.
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