
En matière de rémunération, les inégalités entre femmes et hommes persistent. Face aux avancées timides des États membres, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a mis sur la table une série de mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations. Et ça porte ses fruits !
Depuis le traité de Rome de 1957, le droit à l'égalité de rémunération entre hommes et femmes est l'un des principes fondateurs de l'Union européenne. Dans les faits, l’application de ces mesures demeure problématique. Las de compter sur le volontarisme des États, la présidente Ursula von der Leyen a proposé en juin 2021 des mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations. Une priorité politique pour la présidente de la Commission européenne qui a déclaré : « À travail égal, rémunération égale. Et pour parvenir à l'égalité de rémunération, il faut de la transparence. Les femmes doivent savoir si leur employeur les traite de manière équitable. Et lorsque ce n'est pas le cas, elles doivent avoir la possibilité de se défendre et d'obtenir ce qu'elles méritent. »

Ainsi Ursula von der Leyen vient désormais se positionner sur le terrain juridique pour agir. Dans la continuité de ce qui n’avait que le statut de recommandation en 2014, l’Union souhaite imposer aux employeurs une plus grande transparence à l’égard des demandeurs d’emploi et des salariés. L'objectif ici est double : doper le processus de réduction de l’écart de rémunération entre les sexes et faciliter les actions en justice des employés discriminés.
La proposition sur la transparence des rémunérations est un pas important vers la mise en œuvre du principe de l'égalité des rémunérations entre les hommes et les femmes pour un même travail ou un travail de même valeur. Elle permettra aux travailleurs de faire valoir leur droit à l'égalité de rémunération et de mettre fin aux partis pris sexistes en matière de rémunération. Elle nous permettra également de détecter, de reconnaître et de résoudre un problème que nous voulons éradiquer depuis l'adoption du traité de Rome en 1957. Les femmes méritent la reconnaissance, l'égalité de traitement et la valorisation de leur travail et la Commission est résolue à faire en sorte que les lieux de travail atteignent cet objectif.
Helena Dalli, commissaire européenne à l'égalité
Transparence salariale : il y a ceux qui en parlent et ceux qui agissent
Certaines entreprises françaises ont d'ores et déjà décidé de lever le voile sur la rémunération au sein de leurs équipes. Que nous apprennent-elles ? Quels sont les avantages de la transparence salariale mais aussi les obstacles à affronter ?
Thermador, un groupe précurseur dans la transparence salariale
Le groupe Thermador pratique la transparence des salaires depuis sa création en 1968 ! Une idée du PDG pour impliquer les salariés et établir un climat de confiance en jouant la carte de la transparence. Le PDG actuel, Guillaume Robin, déclarait en mai 2018 lors d’une ITW au site L’info Durable : « Une des grandes vertus de la transparence, c’est que les managers ont l’obligation, lorsqu’ils embauchent ou prennent une décision sur les salaires, de bien réfléchir au positionnement de la personne dans l’équipe. […] L’autre avantage, c’est que nous ne sommes absolument pas concernés par les problématiques d’inégalité hommes / femmes, puisque tout est transparent. C’est aussi un garde-fou pour la rémunération des dirigeants.[…]. »
Chez Alan, pas de négociation à l'embauche
L’assurtech Alan a quant à elle décidé d’appliquer une politique stricte qui commence dès l’embauche. La startup a ainsi établi une grille de salaire, basée sur des critères précis, qui est dévoilée au candidat dès le processus de recrutement. En juin 2019, les fondateurs Jean-Charles Samuelian et Charles Gorintin indiquaient aux Échos Business : « Il n’y a pas de négociation à l’embauche. Nous avons défini une grille de salaire par niveau et années d’expérience que nous avons rendue publique. Il y a neuf niveaux et à chaque niveau correspond un salaire. Au cours du process de recrutement, toutes les personnes qui ont rencontré la ou le candidat détermine son niveau dans cette grille. Le salaire n’est pas calculé en fonction du parcours des candidats, ni de leur diplôme ou encore de leurs talents de négociation. Parfois, la personne se voit proposer un salaire inférieur à celui espéré, parfois bien au-dessus. Dans tous les cas, il ne sera pas négociable »

En quoi la transparence des salaires permet-elle de lutter contre les inégalités hommes-femmes ?
Selon une étude d'économistes, la transparence des salaires au sein des entreprises permet de réduire les écarts de salaire entre les hommes et les femmes. L’opacité qui empêche d'établir une comparaison entre les rémunérations crée ainsi une zone grise qui favorise la perpétuation des partis pris « sexistes » dans la fixation des salaires.
Au-delà de ces discriminations « sexistes », la transparence des salaires permet également de lutter contre le syndrome de l’imposteur, auquel les femmes seraient, selon les psychologues et spécialistes, plus sujettes. Pour Mathilde Callède, DRH de Shine, « la transparence des salaires est un moyen d’en finir avec les injustices et permet de lutter contre les injustices à plusieurs niveaux. […] Certaines personnes ont plus de facilité que d’autres dans la négociation notamment, et cela permet aussi de limiter le syndrome de l’imposteur, qui touche d’avantage les femmes ».
Les freins à la mise en place de la transparence salariale
Si les startups sont à l’avant-garde de ce mouvement vers plus de transparence, cela n'est pas uniquement dû à leur jeunesse mais avant tout au fait qu'elles ont pu (su) adopter ce modèle dès leur création avant même l'instauration d'écarts de salaires « difficilement avouables ». Sur ce point les grands groupes semblent désavantagés. Parmi les autres freins à la mise en place on trouve également :
- L'ingérence : pour certains dirigeants la transparence est perçue comme une intrusion dans l’autonomie des entreprises.
- Nivellement des salaires : dans certaines entreprises, des critères tels que l'âge, le diplôme, l'expérience ou encore la performance influent sur le niveau de rémunération. Pour certains spécialistes, la transparence salariale, basée sur une grille de salaire pré-définie, figerait les niveaux de rémunération.
- Difficulté de mise en place
Parce qu’une telle mesure ne s’improvise pas, il est essentiel de prendre le temps de réfléchir à sa mise en place. Avant toute chose, nous avons passé plusieurs semaines à travailler et nous documenter sur la question de la transparence des salaires. Shine a mis près de trois mois à sortir une première grille salariale, le temps de trouver l’algorithme le plus approprié.
Mathilde Callède - DRH de Shine - Voir le modèle de Shine.
Le saviez-vous ?
- En France le « salaire féminin » est aboli depuis 1946 (un salaire que l’on évaluait en fonction des besoins de la ménagère et non des compétences et résultats de la travailleuse).
- L’article L3221-4 du Code du travail précise que « sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ».
Participer à la conversation