
Depuis plus de 20 ans, des petits pictos triangulaires nous aident à orienter nos déchets pour qu’ils finissent dans la bonne poubelle. Et même si de nombreux produits revendiquent leur composition à base de matériaux recyclés, ce procédé demeure très énergivore. Quelles sont les alternatives ?
Par Olivier Pigasse, design manager DesignWR - LMWR
Tout ça semble merveilleux, mais si on ne fait pas que semblant de s’y intéresser, on s’aperçoit vite que le recyclage de produits en matières premières pour fabriquer d’autres produits, est (presque) le pire schéma de l’éco-conception. En effet, le flacon que vous jetez dans la poubelle de tri sélectif va faire plusieurs centaines de km (s’il reste en France) et générer plusieurs dizaines de kg d’empreinte carbone, pour être trié, lavé, broyé et calibré ou « compoundé », puis retransporté jusqu’à une extrudeuse et des pressions de plusieurs tonnes pour redevenir un flacon qui revoyagera jusqu’à son usine de remplissage, sa plateforme logistique, son magasin, puis enfin votre salle de bain.
Et je vous épargne le problème du sous-cyclage (downcycling) qui désigne la réalité de la majeure partie des matériaux dont le « recyclage » dégrade les propriétés mécaniques et techniques. Seule une poignée de matériaux accepte un très grand nombre de recyclages (le verre, l’acier, …), quand les matières plastiques, elles, se dégradent à chaque cycle.
Sans jouer les savants, il suffit de se plonger dans l’excellent diagramme des cascades, ou « butterfly diagram » de la Fondation d’Ellen MacArthur pour se rendre compte qu’effectivement, le recyclage est le plus énergivore des principes de design circulaire.
La responsabilité des marques
La Responsabilité Élargie du Producteur (REP) est une législation qui devient de plus en plus prégnante sur toutes les productions. Elle dit simplement (mais à de plus en plus de filières) que le fabricant devient responsable des cycles de vie des produits qu’il fabrique. Elle dit donc également que c’est le moment de se positionner légalement, industriellement et socialement (un lien entre REP et RSE ?) par rapport à des productions qui pourraient devenir louables, mutualisables, réparables, re-conditionnables… et plus uniquement recyclables.
Alors c’est bien tout ça, mais comment on s’y prend ?
Changer de stratégie
Mieux que l’éco-conception, essayons de penser dorénavant design circulaire. Alors oui, aborder la conception d’une manière systémique, c’est plus complexe, oui le design circulaire prend beaucoup plus de paramètres en compte, mais il est aussi plus conséquent, plus proche de la réalité et plus proche des attentes (latentes ou émergentes) des consommateurs. Si l’éco-conception s’attache (entre autres, mais principalement) à analyser et optimiser le cycle de vie d’une production (l’ACV) depuis l’origine de ses matières premières jusqu’à la recyclabilité d’un produit en « fin de vie », le design circulaire s’attache lui à toutes les options, depuis sa conception, pour qu’il puisse emprunter d’autres cycles moins énergivores et plus « vertueux » que la réindustrialisation de sa « simple » matière.
Changer de vocabulaire pour faire évoluer ses pratiques
Comme nos designers, commencez par associer un nouveau champ lexical à la conception d’un produit ou d’un espace, et vous allez découvrir le pouvoir conceptuel du vocabulaire sur vos projets :
« Attachement, collection, transmission, partage, location, mise à jour, entretien, réparation, upcycling, reconditionnement, réutilisation (de composants), recyclage » ...
… pour basculer de l’obsolescence programmée à l’attachement (vous avez gardé vos jouets Fisher-Price ?), pour augmenter la réparabilité de vos produits (et donc la fidélité à votre marque), pour proposer des produits de seconde main (tiens, la MAIF le fait déjà depuis longtemps…).
Autant de nouvelles approches qui peuvent s’anticiper, s’organiser, se vendre en services et s’immiscer dans les cycles de vie de vos productions et donc… dans les valeurs de votre marque.
Et si vous pensez que tout ça ne vous concerne pas, je pense que des entreprises comme Doog, Murfy ou Back Market sont tout à fait d’accord avec vous.
Identifier ceux qui peuvent vous accompagner
Vous pouvez commencer par aller voir les bureaux d’études d’éco-conception, ils savent évidemment de quoi il en ressort ; des écoles commencent également à mettre en place des chaires de design circulaire (exemple avec Emmanuel Alouche à l’École de design Nantes Atlantique) pour former de nouveaux profils de designers qui intègrent dès à présent cette pratique pour vous aider à repenser vos process de conception.
Mais vous pouvez aussi monter une équipe projet pluridisciplinaire, et vous approcher d’agences qui savent aussi bien parler de design que de marque, parce qu’au-delà de la conception, le design circulaire va avoir un impact sur la stratégie de votre entreprise, sur son image et sur les nouvelles relations qu’elle va installer avec ses clients.
Et on avait à cœur de partager ces approches avec vous, parce qu’elles font déjà évoluer quelques paradigmes du côté de la conception, de la production, des services et des stratégies d’entreprises.
React : Les attentes de vos clients changent et le vent de la conception tourne
Reset : Il va falloir changer certaines approches et mettre à jour vos méthodes et vos équipes
Reveal : Pour pouvoir vous positionner et mettre en avant de vraies valeurs ajoutées !
Chez DesignWR - LMWR, on a naturellement intégré ces approches dans nos méthodes parce qu’elles font partie de notre ADN : React, Reset, Reveal.
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