
Les problématiques liées à l’interculturalité en entreprise ne sont pas nouvelles mais se sont amplifiées. En cause, la mondialisation liée à l’intégration d’espaces économiques nouveaux ; une digitalisation accrue bouleversant l’entreprise post-Covid. Les entreprises se trouvent aujourd’hui confrontées à une multitude de références et différences culturelles à gérer.
Par Olivier Breton, Président d’I&S
Créer des synergies à partir de cultures multiples
L’émergence des équipes multiculturelles dans les organisations change l’environnement du travail traditionnel, impose de nouveaux défis et nouveaux modes de management et met la question de l’interculturalité au cœur des entreprises.
La recherche sur « la difficulté de faire travailler ensemble des personnes de cultures différentes » est récente. D’une part parce que la globalisation ne date que d’une trentaine d’années, mais aussi parce que les chercheurs qui ont travaillé sur le sujet ont tous contourné la question. Leur préoccupation a longtemps été de savoir si la diversité culturelle était une source d’enrichissement ou une contrainte. Au lieu de s’intéresser au contenu même du problème qui est : « comment créer des synergies à partir de cultures multiples ».
Dans ce contexte, modéliser ou théoriser les approches liées à l’interculturalité repose sur un certain empirisme. Sur ce terrain « exploratoire » nous voyons s’affronter chercheurs, sociologues, anthropologues, psychologues de tous bords, voire des coachs autoproclamés « coachs interculturels ».
Des approches de l’interculturalité différentes
Reste que l’interculturalité supporte une certaine objectivation, pour autant qu’on veuille bien considérer l’étendue de sa complexité ; tant aussi, en fonction des pays concernés, elle aura plus ou moins de chances de se réaliser positivement. On peut la résumer pour l’individu à trois dimensions complémentaires :
Dimension affective
Attitudes, valeurs, sensibilité
Dimension cognitive
Notions, savoir, compréhension
Dimension comportementale
Facultés, aptitudes, action
Face à cette complexité, plusieurs approches existent qui toutes se situent dans le champ des sciences humaines : perception des différences, de l’altérité, rapport à l’espace et au temps, aux modes de communication…
Une approche interculturelle qui ne reposerait que sur notre capacité à situer l’Autre par appartenance à son groupe d’origine est un modèle multiculturel. Il passe par la reconnaissance de l’altérité mais n’est qu’une modalité possible du traitement de la diversité. En effet, il ne met l’accent que sur la reconnaissance et la coexistence d’entités culturelles d’origines distinctes. Il additionne des différences, juxtapose des groupes et débouche sur une conception mosaïque de la société. Il renvoie à la juxtaposition de plusieurs cultures nationales au sein d’un même ensemble.
Tout en reconnaissant les différences, il s’arrête en fait à une structure de cohabitation des groupes et des individus.
Pour pallier ces limites, le recours à l’interculturalisme est une alternative, en rendant possible le fait que chaque individu puisse s’exprimer à partir de plusieurs cultures. Le préfixe inter indique une mise en relation et une prise en considération des interactions. Ainsi, si le multi et le pluriculturel s’arrêtent au niveau du constat, l’interculturel opère une alchimie, une mutation. Il ne correspond pas à une réalité objective. Il ne se contente pas d’interagir mais veut co-construire. De fait, notre approche interculturelle n’a pas pour objectif d’identifier autrui en l’enfermant dans un réseau de significations ou de comparaisons sur une échelle ethnocentrée. Elle se doit d’accorder une place plus importante à l’individu en tant que sujet, elle le fait agir dans son environnement et ne le cantonne pas à ses sphères d’expertises.
Des relations sociales d'un nouveau genre
Pour l’entreprise, la gestion des ressources humaines dans un contexte interculturel revêt de réelles spécificités. Le psychosociologue hollandais, Geert Hofstede, est l’un des premiers à avoir élaboré une grille d’analyse fiable sur 5 critères :
- La distance hiérarchique (acceptation de l’inégalité de pouvoir)
- Le contrôle de l’incertitude (degré de tolérance face à l’inquiétude provoquée par des changements)
- L’individualisme/le collectivisme (degré d’autonomie par rapport à un groupe, à une société)
- La dimension masculine/féminine (sensibilité à des facteurs émotionnels, factuels et séparation marquée ou non des rôles des deux sexes dans les tâches de la vie quotidienne)
- L’orientation court terme/moyen terme (les valeurs « court terme » sont le respect des traditions, la satisfaction des obligations sociales, celles du « long terme » sont liées à l’économie et à la persévérance).
Cette grille permet l’élaboration d’une cartographie de l’approche culturelle par pays et donne des clés d’interprétation. Si on en croit la littérature consacrée au management des différences culturelles depuis une trentaine d’années, le facteur culturel semble être plus un problème qu’un avantage, souvent source de difficultés, de dysfonctionnements dans les organisations.
Reste que celles qui ont notoirement investi dans la compréhension de l’interculturalité, sans a priori et sur le long terme, y trouvent avantages et résultats à condition d’efforts, de travail, de budget. C’est que l’interculturel est un vrai défi. Et qu’il n’est ni naturel, ni inné. Il reste empirique. Il nécessite une vraie exigence intellectuelle et humaine. C’est un défi passionnant qui permet à ceux qui le pratiquent de connaître, de découvrir de nouveaux horizons et qui instaure des relations sociales d’un genre nouveau. Mais il est le résultat d’une communication quotidienne réciproque et respectueuse, et exige un projet de transformation et d’adaptation, fort et concret, reconnu par toutes les parties en présence. Projet qu’il faut anticiper, construire et accompagner dans la durée.
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