Un arbre dans la forêt

Et si les communicants aidaient à sauver l'humanité ? (et eux-mêmes avec)

Avec Sidièse
© veeterzy via Unsplash

Collapsologie. Climat. Trump. Harcèlement sexuel. Extinction des espèces. Intelligence artificielle. Ça va, vous ? Le moral ? Sinon, on a un antidépresseur naturel. En forme de question : et si au lieu de vendre de l’extinction planétaire, les communicants se mettaient à vendre… la vie terrestre ?

Par Guillaume Muller est Planneur Stratégique et Associé chez Sidièse, en charge de l’innovation, et des démarches de Grands Récits en entreprise.

Sauver la Terre… en la « vendant »

Un auteur a beaucoup fait parler récemment : Yuval Noah Harari. Dans son best seller, Sapiens, il traite pile poil du sort de l’humanité. De ce qui oriente notre destin. Il y parle beaucoup de « hiérarchies imaginaires », ces fictions qui nous soudent dans des projets communs.

Selon lui, « toute hiérarchie imaginaire désavoue ses origines fictionnelles et se prétend naturelle et inévitable. » Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’au départ, les grands récits qui ont orienté notre destin étaient fictifs, inventés. En clair : c’est du pipeau, de la com’.

Il prend comme exemple Aristote. Selon ce dernier, les esclaves avaient une « nature servile », tandis que les hommes libres avaient un « nature libre ». Allez hop, travaille gratis, c’est la nature !

Donc, si on veut sauver la vie sur Terre, nous pourrions tout à fait développer une nouvelle « hiérarchie imaginaire ». Celle-ci placerait la vie terrestre très haut dans le panier des ménages. Il faut juste qu’on la vende, pas comme un vulgaire produit payant, non : mais comme une chose précieuse, formidable à sauver - et sauvable, si on y met le prix - pas forcément financier.. Vendre la vie terrestre : au sens « en faire la promotion », vanter ses mérites - puisqu’incontestablement on les méprise. La vie terrestre : il y a plus ingrat,  comme brief, non ? Elle est pas belle, la vie sur Terre ? Il faut croire que si, puisque les humains continuent à faire des enfants comme des dingues, que les personnes âgées se cramponnent à chaque jour de vie supplémentaire, même dans des EPHAD sordides. Plus de 7 milliards de clients fidèles. Et intentions d’achat au taquet : ça recrute des nouveaux utilisateurs à tout va.

Alors puisque tout le monde, en veut, de la vie, faisons-en un produit, une promesse. Et réussissons la vente, bon sang ! Ça sonne mercantile ? Et vendre ce qui sabote la vie, c’est amercantile peut-être ? On préfère ne vendre que ce qui est toxique, mais pas ce qui est sacré - parce que c’est trop sacré ? Et les causes des campagnes de don d’ONG, elle ne sont pas sacrées, elles ?

Déportons les vagues publicitaires et les dépenses des ménages, vers des marques, des entreprises, des solutions réparatrices de vie terrestre, fabricantes de sol, purificatrices d’air et d’eau, repeupleuse d'oiseaux, de lombric, d’insectes… Les gens ont soif de l’entendre. On le fait déjà ? Visiblement, on peut mieux faire… Poussons les marketeurs, les Directions Générales de toute notre capacité d’influence.

Vendons la vie dans notre métier, osons marteler sa valeur : un cadeau, un luxe, un miracle, une premiumness absolue, une édition très limitée.

Faisons campagne pour la vie terrestre

Surpromesse ? Pas du tout : le produit existe déjà, en linéaire. Il est distribué partout, 24h/24, 7 jours sur 7. On n’a plus qu’à COMMUNIQUER dessus. Communiquer : ouah, pile notre métier !

Le seul risque, c’est qu’on l’oublie. Tout bêtement. Qu’on oublie qu’on peut vendre ce super produit. C’est si simple, si basique. On en oublierait presque à quel point les gens trouvent ça beau, la vie terrestre. À quel point c’est une belle perspective, une perspective puissante, formidablement porteuse.

Donc notre premier public, ça va être qui ? Ben… nous-mêmes, pardi ! Pour ne PAS oublier. Puisque nous sommes de grands sceptiques parmi les sceptiques.

Prendre un nouveau rôle de sauveteurs

Ça fait très très longtemps qu’on se répète qu’on n’est ni payés pour ni capables de sauver le monde. Mais ça, c’est la réputation qu’on se fait de nous-mêmes. Il est PERMIS de nous en défaire, de changer de regard dans le miroir. Et ces temps-ci, ce serait carrément conseillé. Parce qu’avec la réputation qu’on traîne, avec le monde d’hier qu’on a vendu, avec ce qui nous arrive sur la face… on ne va pas faire très long feu, nous les communicants.

Il va falloir qu’on se dise et répète ça régulièrement, pour se le rappeler. « On peut sauver l’humanité ». « On peut sauver l’humanité ». « On peut… » ça fait bizarre, hein ? Ben oui. C’est pour ça qu’il faut qu’on se le répète. Pour s’habituer. « Repetition is reputation », vieil adage de communicant…

Il faut qu’on prenne un nouveau rôle, ce rôle de sauveteurs. Parmi d’autres sauveteurs, bien sûr, mais n’empêche, sauveteurs quand-même, vraiment. Sauveteur de récit collectif détraqué. On peut, on doit s’auto-convaincre jour par jour qu’on va aider à sauver l’humanité, à créer les hiérarchies imaginaires qui vont le faire.

Donc revendons-nous à nous-mêmes. Réécrivons notre copie strat. Ce serait tellement stupide de nous priver de nos propres services. Ne soyons pas si chiens avec nous.

Il en va de notre survie. Les communicants professionnels disparaîtront bien avant l’humanité. Ils seront promptement remplacés par les trolls, les colporteurs de fake news, les propagandistes, qui sont comme nous, mais en pire. En version encore plus déconnectée du réel, encore plus nocive pour la confiance, parce que prospérant sur la peur.

Voilà. Les hiérarchies imaginaires ont fait le succès des humains sur Terre. On sait, nous, les communicants, créer des trucs imaginaires. Alors, osons juste faire notre métier. Vendons un truc bien mieux que de l’effondrement planétaire : vendons la vie terrestre. Rappelons-nous qu’on sait le faire. Et savourons l’effet antidépresseur sur le moral.


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