
Après l’incendie qui l’a ravagée, une pluie de dons s’est abattue sur la cathédrale. Les médias ont largement évoqué les promesses de dons astronomiques, les critiques des associations et les débats fiscaux. Un mois après l’incendie, quel bilan médiatique peut-on en tirer pour les principaux mécènes ?
Depuis que, François Pinault a lancé le mouvement et annoncé un don de € 100 millions pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris, les grandes fortunes et les entreprises ont rivalisé de générosité pour apporter leur pierre à l’édifice. Et des voix discordantes se sont immédiatement élevées pour leur intenter un procès en opportunisme : nombreux ont été les responsables politiques et associatifs à s’indigner du traitement de faveur réservé à cette grande dame de pierre.
Certes, dans une France des gilets jaunes et des églises décrépites, les montants promis peuvent paraitre extravagants, mais l’impact de cet accident dépasse largement les frontières de l’Hexagone. Et l’on peut légitimement s’interroger sur l’attitude des grands donateurs. Sont-ils sincères ou bien ont-ils simplement voulu profiter d’un formidable vacarme médiatique ?
Une campagne de publicité hors de prix
Cet incendie a provoqué un émoi planétaire. En deux semaines, près de 100,000 articles de presse ont publiés dans le monde. La France ne représente que 20% de ce déluge médiatique et l’on pourrait alors penser que les donateurs se sont offert une jolie campagne de publicité mondiale sous prétexte d’un beau geste. Mais, n’en déplaise aux esprits chagrins, il n’en est rien car les montants en jeu ne sont pas justifiables en termes de dépense marketing.
D’abord parce qu’aucun article, évidemment, ne cite les produits d’aucun donateur. Et tout simplement parce que l’affaire n’est pas rentable. Si l’on examine les retombées obtenues par les mécènes les plus généreux, nos trois géants du luxe - la famille Pinault, le groupe LVMH et la famille Arnault, le groupe L’Oréal et la famille Bettencourt-Meyers – bien sûr leur contribution cumulée de 500 millions d’euros leur vaut d’être présents dans plus de 15,000 articles – mais tout se passe comme s’ils avaient dépensé plus de 30,000 euros par article de presse. S’ils avaient vraiment voulu faire de la pub, ils auraient pu investir la même somme dans une grande campagne télévisée : 30,000 euros, c’est environ le prix d’un spot de 30 secondes sur TF1 en fin de prime, bien plus efficace sur le terrain des ventes…
Mais un bénéfice d’image cohérent
Sans se prononcer sur la question fiscale, il est clair que les grands mécènes n’ont pas agi dans une intention commerciale. Leurs gestes affirment d’abord leur profonde affinité avec l’histoire de France et le monde des arts. Notre Dame, son architecture et ses trésors incarnent la beauté intemporelle, les valeurs de l’excellence et du prestige, le travail artisanal et le goût du précieux. Le propre du luxe est de transformer le rêve en or ; il était tout à fait légitime que les plus grands acteurs manifestent leur attachement à un chef d’œuvre qui symbolise si bien les valeurs cardinales de leur industrie.
Mais, au-delà de tout opportunisme, ce sont les mêmes qui financent régulièrement de grandes expositions à travers le monde ou la préservation des métiers d’arts... Ce sont les mêmes qui ouvrent au public, de manière volontariste, les portes de leurs collections, que ce soit à la fondation Louis Vuitton ou au Palazzo Grassi. Leur contribution à Notre-Dame ne fera que prolonger un engagement historique et cohérent. On pourra évoquer des stratégies de brand content mais leurs investissements récurrents dans l’art font surtout référence à leurs fondamentaux plutôt qu’à un marketing machiavélique. Rares sont les consommateurs qui ont conscience de financer un cm2 d’une toile de maître - ou bien un clou de charpente de Notre-Dame - avec l’achat de leur parfum favori…
La prime à la spontanéité
Le mécénat est avant tout affaire de sensibilité. Et les médias ne s’y sont pas trompés en reprenant unanimement l’annonce des dons qui semblaient les plus spontanés, sans toujours tenir compte du montant: Ainsi, le premier mécène déclaré, François Pinault, a-t-il bénéficié d’une couverture supérieure à celle de son grand concurrent Bernard Arnault avec un don moitié moindre - comme si l’opinion accordait une prime à l’initiateur du mouvement de solidarité.
De même, la petite ville hongroise de Szeged a connu son heure de gloire dans les heures qui ont suivi l’incendie. Elle a immédiatement annoncé faire un don de 10 000 euros, en s'estimant redevable à Paris. En 1879, la capitale française avait aidé à la reconstruction de cette ville du sud du pays, dévastée par une inondation. Avec 288 articles à travers le monde, Szeged fait une excellente affaire médiatique mais on doute qu’elle ne l’ait fait que pour booster sa notoriété.
À l’inverse, certaines grandes entreprises ont fait des dons de plusieurs dizaines de millions d’euros sans que les médias en fassent grand cas. On ne se prononcera pas sur leur sincérité mais sans doute étaient-elles trop éloignées des symboles incarnés par le monument. Oui, il y a certainement eu quelques opportunistes dans la longue liste des donateurs. Mais il apparait que ce sont les plus légitimes qui se sont rendus les plus visibles. Ce n’est là que justice. Et nous laisserons à chacun le soin de décider si elle d’origine céleste…
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