Deux enfant qui s'entraident

« Cette crise est notre dernière chance de faire émerger la nouvelle économie de soutien de la vie »

Avec Gyro
© ImagineGolf via Getty Images

En exacerbant les failles de ce que nous étions de plus en plus nombreux à éprouver, cette crise nous a rappelé notre vulnérabilité d’êtres vivants alors que nous nous pensions invincibles, invitant l’humilité à siéger au panthéon des valeurs d’avenir.

Par Alexandra Servant-Rony, Directrice du Planning Stratégique chez Gyro

« Le moment que nous vivons est un ébranlement intime et collectif, et nous rappelle que nous sommes vulnérables, nous l’avions sans doute oublié… sachons sortir des sentiers battus, des idéologies, et nous réinventer (…) » déclarait Emmanuel Macron lors de son allocution du 13 avril dernier.

« Nous réinventer », car le plus grand risque à terme serait bien d’essayer de rattraper le retard imposé par des mois de mise à l’arrêt en déployant notre restant d’énergie pour venir écrire la suite de la grande histoire que l’on se raconte depuis certainement trop longtemps. Celle d’un système conçu sur une économie de croissance infinie dans un monde fini, précipitant ainsi notre chute vers un suicide collectif.

« Les sciences économiques ont pris la grosse tête. Elle se sont donné une légitimité qui a fait croire aux économistes puis au reste de la population que l’être humain ressemblait au modèle » écrivaient Pablo Servigne et Gauthier Chapelle dans L’entraide : l’autre loi de la jungle.

Car l’heure n’est plus à jouer les Cassandre en essayant de prédire ce que sera le monde de demain à grands renforts d’indicateurs, de roadmaps, de projections voire de prémonitions divinatoires. Le moment est venu d’inventer et de penser le changement que nous voulons voir dans la société, sortir d’une vision mécaniste du monde pour venir explorer à nouveau ce qui fonde notre humanité. Cette crise, aussi douloureuse soit-elle, est en effet peut-être la dernière chance qu’il nous reste de mener notre  « inventaire » et de faire émerger la nouvelle économie de soutien de la vie dont nous aurons besoin pour nous préparer au grand défi climatique.

Et cela passe par la nécessité de repenser nos façons d’analyser, de créer, d’interagir, une révolution qui doit être cognitive avant d’être méthodologique.

Mener en premier lieu notre propre introspection

Consultants, agences de communication, labos d’innovation, cabinets en accompagnement du changement, déployons depuis un moment un arsenal d’outils sophistiqués pour accompagner entreprises et organisations dans la définition de leur Raison d’être. Peut-être aurions-nous tout intérêt à mener en premier lieu notre propre introspection, et à venir nous appliquer à nous-même les recettes de ce renouveau. Les secteurs du conseil et de la communication doivent mener leur propre révolution avant de recommander aux autres de faire la leur.

En effet, la transformation numérique croisée à l’hyper-segmentation des tâches ont à tel point complexifié nos processus de réflexion que nous nous sommes éloignés de notre condition d’être humain, et que nous y avons perdu une bonne partie de notre bon sens. Or pour sauter dans ce nouveau monde qui doit lui-même être plus respectueux du vivant, nous devons avant tout ranimer notre lien avec celui-ci en nous reconnectant à nos qualités intrinsèques.

Alors, quelles sont ces ressources humaines non périssables pouvant nous aider à explorer de nouvelles pratiques ?

Cultiver l’ingéniosité à côté de l’ingénierie

Rompre d’une certaine manière avec la culture de l’évaluation et du contrôle pour dynamiser sa capacité de création et de réinvention. Si l’innovation a longtemps été une fin en soit, elle ne peut plus être invoquée sans recherche de sens dans un contexte de raréfaction des ressources et des moyens. En outre ces modèles souvent coûteux, lents et fermés, restent l’apanage de spécialistes et d’experts pas toujours en mesure d’appréhender un problème de façon globale. A l’inverse, l’ingéniosité est une forme de résilience créative qui permet de concevoir des solutions frugales avec peu de moyens. C’est bien l’ingéniosité qui a créé l‘économie du partage (Airbnb et blablaclar), l’économie circulaire (l’upcycling), et plus récemment celle des makers à travers fablabs, repairs café et autres lieux de débrouille conviviale qui ont fleuri partout sur nos territoires ces dernières années. C’est encore l’ingéniosité qui a amené tout dernièrement l’enseigne Décathlon à distribuer ses masques de plongée Easybreath aux hôpitaux en pénurie de respirateurs artificiels.

En regardant les contraintes comme des opportunités, en simplifiant son offre pour revenir aux besoins de bases, en osant repartir de zéro plutôt que de poser des rustines, nous avons de bonnes chances d’emprunter une voie ingénieuse. Car plus un état d’esprit qu’une façon de faire, l’ingéniosité n’a pas de diplôme ni de formation, elle est à portée de tous, elle se cultive par la curiosité, elle préfère les soft skills aux hard skills, la spontanéité au calcul, l’entraide à la compétition, le Co vs l’ego.

Imaginer plutôt que solutionner

S’appuyer sur notre imaginaire et recourir au pouvoir de l’intention pour se diriger vers le monde que nous voulons. La période d’incertitude actuelle a le pouvoir de nous dynamiser, car ne pas savoir de quoi le futur sera fait nous permet justement de jouer un rôle majeur pour l’influencer. Mais cela implique une toute autre façon d’appréhender nos sujets, bien plus naturelle et intuitive que ce que l’on nous a appris. En effet dès notre plus jeune âge la vision du monde qui nous est inculquée valorise les faits au détriment de l’imaginaire. Or en nous intéressant seulement aux faits, notre pensée se limite à envisager des possibles fondés sur un ensemble d’expériences passées et d’observations de tendances émergentes. Des pensées clairement pas à la hauteur de l’enjeu et d’autant plus appauvries que l’état d’anxiété généralisée et les mécanismes de survie autarciques que nous activons actuellement viennent largement entamer notre capacité d’imagination. Pour renouer avec ces prédispositions à rêver, il faut « Commencer avec la fin en tête », et choisir la fin souhaitée comme le point de départ de la réflexion. Imaginer un futur désirable et l’habiter avec tous nos sens permet ainsi de se forger la conviction que celui-ci est possible, et de tout mettre en œuvre pour investir ce scénario. Et si nous osons agir pour cet idéal, des changements remarquables peuvent se produire.

Envisager sa vie, ses projets, son entreprise à travers la question « que rêverai-je de faire » plutôt que « que suis-je capable de faire ? », est une vision hautement plus puissante et motivante et un moyen infaillible de développer courage, créativité et dépassement de soi. Faites vous-même l’exercice, vous serez d’ailleurs probablement surpris par le décalage d’ambition entre vos deux réponses, et l’excitation que suscite en vous la première.

Faire appel au cœur plus qu’aux émotions

Parce que notre culture a tissé un lien très fort entre consumérisme et bonheur, la communication publicitaire s’est beaucoup servie des émotions pour créer des désirs obsolescents et souvent égoïstes, sans se poser la question de leur bienfait ni de leur utilité réelle.

Mais dans un monde qui ne peut plus se permettre le luxe du superflu, nous avons une responsabilité à occuper positivement les espaces d’exposition et de médiatisation. Chaque prise de parole est une chance d’œuvrer à une transformation positive, d’encourager à l’adoption de produits, de services ou de comportements responsables. Même si cela implique des ruptures et peut être pour certains des sacrifices. Plus que jamais la communication doit avoir une utilité sociale, ce qui implique de repenser la façon dont elle invoque les émotions, en les mettant au service du sens et du bien commun. A l’émotion pure doit se substituer une éthique de l’émotion, ou une approche sensible. Comment ? En revisitant les briefs que nous faisons, en challengeant ceux que nous recevons. En se posant la question de ce que les individus ont vraiment besoin d’entendre, en vérifiant que les messages que nous délivrons sont utiles, pour eux, pour l’humanité, et pour la planète. En collectant les preuves, pour raconter ce qui est vraiment ou ce qui doit être, plutôt qu’en faisant appel à des histoires créées de toutes pièces. Une marque de parfum n’aurait-elle pas plus intérêt à raconter le soin qu’elle prend à cultiver ses fleurs, à montrer la beauté des champs et de la Nature plutôt que d’agiter des récits fictifs et des images stéréotypées ?

L’ingéniosité, l’imagination, le cœur

Pour que ces forces inhérentes à l’être humain insufflent une belle énergie transformative, il appartient d’abord à chacun et à chaque organisation de les faire vivre activement au sein de sa culture et de sa façon de faire. En laissant la place à la spontanéité et à l’imprévu, en cultivant un climat de confiance et d’entraide pour faire éclore le meilleur de chacun, en accueillant la diversité sous toutes ses formes, en s’ajustant au rythme des aléas, en valorisant l’émotionnel et le spirituel dans des environnements professionnels ankylosés dans le rationnel. En se comportant tout simplement comme un organisme vivant.

Des qualités naturelles qui ne sont certes valorisées dans aucun processus comptable, mais qui semblent aujourd’hui les mieux à-même de mobiliser la force ultime dont nous aurons besoin pour nous sauver : l’espoir.


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