
Qu’opposer à cette crise de la limite ? La coopération entre les économies et territoires en créant des événements, qu’ils soient des foires, salons, congrès ou événements d’entreprise et d’institution, car ils ont un rôle immense à jouer dans ce maillage des intelligences.
Dans ses Mémoires d’outre-tombe, François-René de Chateaubriand écrivait « j’étais en face de mon avenir doré ; mais le présent, sur quelle planche le traverser ? »
Si notre avenir doré est incertain, notre présent à traverser porte le nom du Covid-19 dont la vertu, comme toute crise, est d’agir comme un révélateur. Celle-ci vient lourdement nous rappeler la finitude du monde et l’aspect physique de nos interactions et comportements. Les frontières se (re)dressent au sein des continents, pays et autour nous (ce fameux kilomètre), des pénuries touchent pharmacies et commerces et soulignent que les produits que nous achetons tous les jours ne réapparaissent pas par magie dans les rayons. Enfin, et surtout, la crise de nos modes de vie, qui déstabilisent la biodiversité et réchauffent la planète, se veut plus pressante. C’est le retour du fini et de la limite que nous vivons, tout simplement.
De cette crise découleront de nombreux débats au sein de la Société, nouvelles politiques économiques et industrielles à conduire, nouveaux usages qui s’imposeront. A crise globale, il faudra apporter une réponse globale en interconnectant les réflexions entre les secteurs d’activité, car tout est dans tout : mobilité, urbanisme, santé, alimentation, énergie, économie, citoyenneté, sécurité, bonheur… énumération horizontale qui devrait se présenter en nuage de points reliés pour éclairer les complexités.
Les événements des plateformes puissantes de transformation, à condition de ne pas se tromper d’objectif
Qu’opposer à cette crise de la limite ? la mise en dialogue illimitée des savoirs (seule richesse qui, lorsqu’on la partage, ne se divise pas mais au contraire se multiplie), la coopération entre les économies et territoires, le monde académique et de l’innovation.
Mais comment ? Les événements, qu’ils soient des foires, salons, congrès ou événements d’entreprise et d’institution, ont un rôle immense à jouer dans ce maillage des intelligences… seulement si, soyons provocateurs, ils ne se perdent pas dans de faux débats d’avenir. Par exemple, celui qui vampirise toutes les discussions du moment : le fameux « bon mix » à avoir entre événement physique et outil digital. Mon avis est que c’est un débat dépassé, un débat générationnel de personnes qui ont connu le monde sans digital. Un débat dont l'existence a commencé au moment de l’apparition du téléphone (voire du courrier postal, pourquoi pas du télégramme) pour savoir s’il allait, lui-aussi, remplacer la rencontre physique ou la dénaturer, et qui ferait rire aujourd’hui. Le débat d’une génération qui a du mal à faire sa transition d’usage et qui l’impose à la nouvelle pour qui le digital est naturel et normal, pour qui cette opposition n’a aucun sens. Seul compte le service au regard du besoin.
La réflexion initiale ne doit pas porter sur un débat technique mais bien sur ce besoin, cet enjeu de coopération entre les filières et communautés scientifiques, techniques, économiques si multiples. Communautés qu’il conviendra non pas simplement de rassembler ou d’animer, créant un entre-soi peu porteur de renouveau, mais de mélanger, de faire interagir grâce au design de service repensé des acteurs événementiels. Ce n’est qu’une idée, mais n’assisterons-nous pas demain, à la manière des crossover propres aux séries ou comics américains, à des rapprochements ponctuels entre événements pour créer des éditions « millésimées » selon les enjeux sociétaux ? Un crossover entre le salon de l’immobilier X et le congrès médical Y en année N, puis entre le même salon de l’immobilier X et la conférence sur l’énergie Z en année N+1, et ainsi de suite avec des coopérations (non pas des fusions) multiples entre les événements, donc les communautés, afin de relier les points du nuage ?
Placer l'événement au coeur des stratégies d'innovation
Au cœur de cette pensée se trouve le seul sujet qui vaille : celui de la double valeur ajoutée de l’intermédiaire qu’est l’événement et qu’il faut placer au cœur des stratégies d’innovation :
- La valeur ajoutée apportée aux publics, en termes de business, contenu, communication, créativité, expérimentation de solutions… par l’expérience individuelle et collective proposée.
- la valeur ajoutée sociétale, par le soutien (réel) à des causes qu’elles soient liées à l’écologie, au bien-être des personnes, respect animalier, fractures territoriales, recherche médicale… en reversant une partie de leur bénéfice, menant des initiatives d’appui logistique ou médiatique, finançant des projets d’infrastructures diverses, créant des écoles ou dispositifs d’inclusion ?
Chacun aura sa réponse, mais la relation tripartite « événement – communauté – Société » me parait au cœur des enjeux de confiance et d’héritage. Les événements « simples vitrines » sans cette double valeur ajoutée risquent fort de disparaitre. Alors à eux d’être cette planche commune vers l’avenir et de la faire emprunter aux publics et la Société.
Créer des vocations, générer de l’intelligence nouvelle, prouver notre valeur, intégrer les enjeux sociétaux cruciaux, nous challenger en permanence… doivent composer la ligne directrice de notre secteur.
Une tribune écrite par Anthony Fauré, Directeur Marketing et Innovation d'Unimev, rédacteur en Chef de l'Innovatoire, think tank dédié à l'Univers des Salons et Événements et enseignant à Sciences Po Paris - Ecole du Management et de l'Innovation (Master Marketing).
Participer à la conversation