
Simples à comprendre, rapides à appréhender, les tableaux de bord contribuent au pilotage et à la performance. Néanmoins, à ce jour, seules 29 % des entreprises arrivent à traduire leurs données en action concrète. La datavisualisation et le datastorytelling peuvent-ils contribuer à réduire l’écart entre les données et les prises de décisions ? À quelles conditions ?
Visualiser utilement la donnée
« Si vous avez fixé un KPI est qu’il est rouge il est important de comprendre ce qu’il s’est passé afin de corriger le tir. Le storytelling intervient en complément de la datavisualisation, la somme des deux aboutissant à un élément structurant pour la prise de décision », explique Julien Samarcq, directeur de la B.U digitale DATA, lors d’une récente table ronde ayant pour thème « Le data storytelling, plus qu’un effet de mode, une avancée pour le pilotage de l’activité ».
Une approche complétée par Cyndie Bettant, Communication & Impact Leader chez CISION en faveur de la sobriété des tableaux de bord pour éviter de se perdre dans les méandres des données. « Dans la veille média, nos clients se plaignent de l’abondance de l’information. En réponse nous avons packagé des tableaux de bord plus simples et accentué l’apport humain analyser les données. Notre métier est aussi de fournir du contenu aux communicants, un contenu issu de la donnée. En dernier ressort, nous utilisons aussi la donnée pour les aider à mieux faire leur métier. » Dans les deux cas, les visualisations, quelle que soient leurs formes, doivent « être un support à la décision, à l’échange et être, dans le cadre d’un reporting, “action driven”.
Un vœu pieux pour de nombreuses entreprises à la peine pour constituer leur tableau de bord. Visualiser utilement la donnée nécessite pour les experts de cette table ronde quelques étapes préliminaires.
Une gouvernance indispensable de la donnée pour réaliser les tableaux de bord
« Afficher une donnée sans gouvernance et prise de décision n’a aucun sens, la gouvernance étant entendue comme l’information que l’on souhaite partager, auprès de quel public, selon quel objectif et quelle émotion dans le cadre du datastorytelling et tout le circuit amont : qui doit la maîtriser, qui doit l’agréger et la partager, comment la redescendre et avec quelle stratégie », affirme Fabien Arneodo, go-to-market Divalto, pour qui de trop nombreuses données manquent d’analyse.
Miroir de la gouvernance, cette dernière doit être posée en amont de toute restitution : « une gouvernance destinée à donner du sens aux données » comme le rappelle Julien Samarcq pour qui il faut constituer les tableaux de bord avec méthode en définissant et mettant en œuvre une phase de cadrage qui aborde en amont le modèle organisationnel, la mise en qualité des données, l’architecture data nécessaire et la définition de sa vision de la performance. Des propos partagés par Fabien Arneodo pour qui cinq étapes sont nécessaires : « Il faut avoir une vision de la donnée, de la valeur que l’on souhaite y mettre, la méthode que l’on souhaite utiliser, l’architecture à mettre en place, déterminer les obstacles et déterminer les mesures. »
L’audience visée : le point nodal du partage de la donnée
À ces étapes préliminaires dans la conception de datavisualisation, reste la plus importante : les mesures et données doivent être appropriée au public à laquelle elles sont destinées, tant dans le choix que les modalités de restitution. « Pour un CMO ou un DG les indicateurs seront différents, rappelle Julien Samarcq. Nous aurons un dahsboard plus cockpit pour le CMO et le CODIR là où d’autres collaborateurs auront besoin d’avoir des indicateurs plus profonds pour comprendre d’autres indicateurs et être dans la décision opérationnelle. C’est pour cela qu’il est indispensable de construire les dashboards avec les métiers pour en faciliter l’usage et l’adoption. »
Des propos partagés par Cyndie Bettant qui pointe la difficulté liée à une méconnaissance des « bons » indicateurs utile au pilotage : « lors de la construction des tableaux de bord, la demande est souvent d’avoir un dispositif avec des KPIs simples pour le métier. Une simplicité qui permet aussi de ne pas se noyer dans la donnée au détriment du métier ». D’où l’importance rappelée par Julien Samarcq de « co-construire » avec l’utilisateur final en se posant la question de la performance : « Le dimensionnement passe en amont par une cartographie des données présentes, la validité de leur robustesse et de ce qu’elles permettent de faire avant de définir des KPIs ».
Au final, « l’objectif est d’être plus productif et réduire l’erreur humaine une fois le tableau réalisé », rappelle Julien Samarcq. Un constat partagé par Cyndie Bettant qui met en garde contre le danger de l’addiction à la donnée, « parfois, les utilisateurs veulent une granularité très profonde et très vite, la donnée devient contre-productive par une surinterprétation possible. Dans cette approche, ces personnes oublient que l’information doit être partagée et mise en commun, soit l’étymologie de communication. Parfois, pour la comprendre, il faut prendre la hauteur et s’extirper de la donnée. »
Le storytelling : raconter pour mieux interpréter
Sortir de la donnée, c’est aussi la contextualiser. La datastorytelling est bien cette manière d’apporter de l’information supplémentaire pour donner des éléments d’interprétation, « Lorsque l’on fixe des KPIs, leur interprétation peut varier selon le contexte. Ainsi, un de nos client s’interrogeait sur un pic de trafic sur son site web un dimanche matin. Très vite, on détecte qu’une émission de télé a évoqué un des modèles du constructeur et ainsi suscité un pic de trafic. Pour compléter le storytelling de ce dashboard, je dois intégrer les données des relations presse pour anticiper les prochains passages télé, à la fois pour absorber la charge, mais surtout pour modifier le parcours des internautes sur le site. »
Dans le cadre métier, Cyndie Bettant évoque un autre cas d’usage fondée sur la donnée et le datastorytelling, « En cherchant une piste pour promouvoir notre expertise de veille média, nous nous sommes aperçus d’une saturation des publics par l’information sur le Covid. En réponse, nous avons souhaité mesurer le taux de médiatisation de la pandémie dans les médias de 90 pays au travers de plusieurs centaines de titres de presse. Pour comparer ce taux, nous avons effectué une veille sur 60 ans d’historique pour voir s’il y avait des évènements supérieurs ou équivalents. Résultat : au pic de la crise, le Covid occupait 70 % de la couverture médiatique. Ce n’est arrivé qu’une fois dans l’histoire et brièvement lors de Mai 68. Cet usage de la donnée a permis de construire un superbe storytelling et a suscité un véritable engouement des médias ! »
Si le datastorytelling permet de contextualiser ou de construire des histoires, il peut aussi être utile à d’autres fins comme l’évoque Fabien Arneodo : « Vous êtes une entreprise du CAC 40 et lors de l’assemblée des actionnaires, vous avez toujours un petit livret qui vous explique pourquoi il vous faut investir plus et pourquoi l’entreprise distribuera peu ou pas de dividende. L’information communiquée est celle que l’entreprise souhaite, pas toujours l’information réelle. C’est aussi cela qui est important dans le datastorytelling. »
Ces manipulations possibles de la donnée, chacun en est conscient d’où l’importance partagée par le panel de la table ronde de ne pas se focaliser sur la seule donnée. Sans compter un autre travers constaté par Cyndie Bettant, ‘Lors de la fixation des KPis et des objectifs, méfiez-vous de ne pas focaliser vos collaborateurs sur un seul d’entre eux. Sinon, vous avez un risque qu’il n’existe plus que celui-là, ce qui le rendra obsolète très rapidement en termes de véracité.’
À ces travers s’en ajoutent sans doute d’autres, ce qui nous vaut un sage rappel du panel de ne pas se focaliser sur la seule data comparée par un intervenant à l’arbitrage vidéo lors des matchs de foot (VAR) : ‘selon le cadre de la prise de vue, la décision ne sera pas du tout la même. » Il en est de même pour vos tableaux de bord.
Des réponses ont été apportées lors d’une récente table ronde à laquelle participait Axys Consultants. Avec pour thème « Le data storytelling, plus qu’un effet de mode, une avancée pour le pilotage de l’activité », Julien Samarcq, directeur de la B.U digitale DATA a eu l’occasion d’échanger avec Cyndie Bettant, Communication & Impact Leader chez CISION et Fabien Arneodo, go-to-market Divalto lors d’une table ronde au Salon Solutions.
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