Visage de femme avec un mur d'eau

Ensemble, séparés… le futur des marques à l’épreuve du sans-contact

© Gettyimages

Alors que nos cercles sociaux sont de plus en plus restreints, les relations établies avant la crise prennent plus d’importance. Dans ce contexte, les marques doivent s’adapter à de nouveaux défis et participer proactivement à recréer du lien, de la proximité et du contact humain, allant des boutiques à de nouveaux espaces virtuels.

Par Virginie Lorenzato Joannis, CEO du Groupe Caramel

Solitude, télétravail, familles séparées, réunions amicales qui se font plus anecdotiques… Le défi des marques pour 2021 est bien de recréer du lien et de préparer les rencontres de demain. Les impératifs du sans contact et du distanciel ont bouleversé nos conditions de vie et impactent durement notre santé mentale.

Composer dans le sans-contact

En boutique, le concept de l’hospitalité :

La distanciation physique, l’absence de tactilité, mais aussi la livraison à domicile obligent les marques à reconcevoir les parcours clients et l’architecture de leurs points de vente. Pour le sociologue Vincent Chabaud, on assiste à la troisième révolution du commerce : celle du sans-contact, suivant celle des années 90 et de l’e-commerce. Le défi est donc de rétablir une relation de proximité avec ses clients dans ce nouveau paradigme.

L’inspiration pour demain ? L’hospitalité. Ou plutôt le hosping, contraction de “hospitalité” et “shopping”, terme qui illustre l’une des solutions pour réintégrer le contact humain dans cette nouvelle ère du sans-contact. Les marques devront développer leurs cultures et leurs services de réception, d'accueil, d’accompagnement mais aussi de conseil afin de visibiliser les humains qui la conçoivent, qui la fabriquent et qui la consomment. Bien qu’utiles, les bots ne pourront pas remplacer la spontanéité et l’expertise sensible des conseillers ni la charge émotionnelle d’un échange humain.

En parallèle de l’hospitalité pour redéfinir les points de ventes, nos espaces domestiques ont récemment fusionné en masse avec de nouveaux mondes virtuels.

De la marque à l’espace domestique : des mondes virtuels

La crise sanitaire et le repli chez soi a augmenté le nombre d’utilisateurs et de joueurs entrant dans les espaces virtuels. Fuir la réalité anxiogène, se retrouver entre amis, se divertir purement pour faire passer le temps ou même méditer... Finalement, les profils se sont diversifiés et l’image du gamer isolé dans sa chambre est bien révolue. En 2020, tout le monde est devenu gamer et ces prochaines années ouvriront le secteur à davantage de diversité (diversité d’adeptes mais aussi de celles et ceux qui fabriquent ces mondes).

Plus que jamais, les écrans simulent des mondes à part, sans frontières, où l’individu peut interagir et retrouver du lien social. À l'heure actuelle, 52% des joueurs veulent dépenser leur argent dans des interactions sociales avec leurs amis et les membres de leur famille (Dazed & Squared Circles, 2020). Plus que l’achat de biens virtuels, ce sont les expériences digitales qui suscitent de l’intérêt, encore plus dans une société sans-contact.

Concerts ou défilés virtuels, rassemblements sur des îles virtuelles, world building ou cours immersifs, il s’agit de proposer des expériences hybrides où, au-delà du divertissement ou de la simulation d’espaces physiques réels, on reconçoit de toutes pièces une expérience surprenante allant des avatars aux manières de communiquer, d'interagir, de ressentir. Pour les marques, les occasions se multiplient pour proposer de nouveaux contenus exclusifs et de nouvelles manières d’engager une communauté au fur et à mesure de l’apparition de nouveaux devices et de nouvelles mises à jour. Abonnements et updates, réalité augmentée ou même réalité diminuée, Google, Facebook et Apple se préparent déjà au lancement de leurs lunettes connectées d’ici 2023.

Récemment, les bénéfices des interactions avec ces mondes virtuels sont davantage reconnus : selon une nouvelle étude de l'université d'Oxford, le temps passé dans des jeux vidéo aurait une influence positive sur notre bien-être. Retrouver le contrôle est par exemple un sentiment que partagent de nombreux joueurs et probablement l’une des raisons pour laquelle davantage d’adeptes ont été séduits suite à l’instabilité de la crise sanitaire.

Mais ces mondes sont à envisager dans leurs capacités à rassembler, à fédérer et à donner vie à des communautés. À l’heure où les réseaux sociaux sont massivement utilisés et que nos rapports avec ceux-ci se sont normalisés, il est étonnant de constater que des jeux comme World of Warcraft (2004), quasiment aussi vieux que Myspace (2003) attirent toujours autant d’utilisateurs et ne connaissent pas la même progression que ces plateformes sociales. Demain, l’industrie des jeux vidéo pourrait supplanter les réseaux sociaux avec un nombre d'adeptes grandissant qui y voient davantage l’opportunité de faire des rencontres et de se retrouver en communauté que de se divertir en solitaire. Avec 72% des Français qui considèrent le jeu vidéo comme un loisir pour toute la famille (SELL, 2020) : au-delà du divertissement et du gaming, la dimension “sociale” est désormais clé.

L’enjeu pour les marques est de préparer les rencontres de demain

Pour préparer les rencontres de demain, les marques se recentrent autour de valeurs humaines, des boutiques aux espaces domestiques en passant par ces mondes virtuels. Trois valeurs clés pour ces territoires d’opportunités émergents de nos études :

#La convivialité : L’expérience de la table, du partage festif, de l’apéritif est toujours autant un moment de convivialité, et l’on retrouve cette convivialité même dans les mondes virtuels. Apéronomie mais aussi séances de cinéma à distance avec ses amis, les moments de convivialité permettent de recréer du lien et de positionner la marque en plateforme ou ressource dédiée à ces moments sociaux.

Ces moments doivent aussi être envisagés pour permettre de nouvelles rencontres et ouvrir le cercle social du consommateur à l’heure où nous passons plus de temps à interagir principalement avec des relations établies. Sortir de sa bulle sociale pour retrouver des conversations plus légères qui peuvent être autour de divertissements et activités créatives, gustatives, etc.

Dans les mondes virtuels, la convivialité est à reconcevoir notamment en continuité des concerts et festivals virtuels.

#La solidarité : L’engagement sociétal des marques est de mise et les consommateurs attendent de celles-ci qu’elles participent positivement et pro activement au tissu social. Désormais, la solidarité devient une valeur à défendre avec 68% des Français qui estiment que la France est un pays solidaire, soit une hausse de 8 points en un an (Ifop, 2020). Outre le bénévolat ou les associations, la consommation locale et de proximité s’inscrit dans cet élan où le consommateur souhaite participer à la vie économique et sociale de sa région.

Des initiatives :
L’association Handicap Travail Solidarité ouvre la première pâtisserie Anti-gaspi & Solidaire à Nantes : La Brigade Anti gaspi & Solidaire, en partenariat avec Carrefour. "Solidaire" car les pâtisseries sont confectionnées et vendues sur place par des travailleur.euse.s en situation de handicap pour créer de nouveaux emplois adaptés et sensibiliser le public au handicap. “Anti-gaspi” car l’association réutilise les déchets et invendus du Carrefour à proximité pour confectionner ses pâtisseries.

“L’établi des mots” est une librairie coopérative à Rennes qui, chaque semaine, propose aux nouveaux lecteurs de prendre des parts sociales de la librairie. Ce qui est inspirant ici est la capacité d’une marque à se repositionner par ses valeurs dans un marché dominé par les chefs de file Amazon et compagnie.

Dans le digital, des initiatives similaires se multiplient autour de la crypto-monnaie où les marques proposent des monnaies alternatives ou les social-tokens, des monnaies produites directement par des artistes et créateurs de contenus indépendants dans le but de rassembler et engager leurs communautés.

#La spontanéité : Faire preuve de spontanéité dans ses messages et ses formats de communication devient un marqueur d’authenticité et de transparence. Des gestes de générosité spontanés tels que des messages manuscrits personnalisés et des petites attentions permettent de réintégrer et visibiliser l’humain derrière une livraison sans-contact. Faire preuve de spontanéité pour une marque s’étend à agir avec audace, honnêteté et émotion, à sortir des cadres établis autant pour communiquer que pour vendre.

À réfléchir : détourner les réseaux sociaux sur lesquels la spontanéité tend à la performance, favoriser des formats et approches plus personnelles, éviter la mise en scène superficielle. Ce principe de spontanéité anime également la plateforme de live streaming Twitch où les adeptes interagissent en direct. Récemment, le réseau social Snap a publié une étude où l’on découvre que 42% de ses utilisateurs reconnaissent avoir davantage de conversations plus profondes qu’avant le Covid-19. La conversation orale constitue elle-même le cœur réseau social Clubhouse, où les utilisateurs sont invités à débattre et partager leurs retours d’expériences. Sur l’application, les “rooms” deviennent des espaces publics modérés par quelques-uns et où les membres de l’audience peuvent monter sur une “stage”, une scène, pour prendre parole, à l’image d’agora publiques virtuelles. L’application s’inscrit sans doute en continuité de l’engouement préexistant pour les podcasts mais a le mérite de les transformer en forum participatifs, séduisant des utilisateurs en quête d’échanges et de communautés.

Demain, la capacité d’une marque à susciter du lien social sera le nouvel indice de succès. Le défi sera de se positionner dans un environnement en mutation où la cohésion sociale tend à davantage de polarisation.


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