
Les musées bientôt tous toqués de TikTok ? Les institutions culturelles rivalisent d’imagination pour élargir leur audience et ouvrir l’art à tous, notamment grâce aux réseaux sociaux.
La Gen Z, une approche différente des pratiques culturelles
Exit les médias à la papa, désormais, c’est sur TikTok que tout se passe. Nés en même temps que l’Internet, la génération Z redéfinit les usages en inventant une culture dont les pratiques se distinguent de ceux des générations précédentes. Plus sensibles au poids de l’image et à l’instantanéité, ils dupliquent, dans le virtuel, des espaces physiques et interagissent ensemble. Ils ne se connaissent pas, mais partagent, en ligne, des bons plans et des expériences avec leur communauté. Voilà de quoi intéresser les institutions culturelles qui souhaitent élargir leur audience et attirer une génération qui n’est plus seulement spectatrice, mais actrice. Le MET à New York, la galerie des Offices de Florence ou encore le Rijksmuseum d’Amsterdam ont déjà un compte TikTok. Le musée, nouvelle hype ? La question se pose quand on regarde l’engouement suscité par l’exposition Philippe Parreno et Daniel Buren. En février dernier, des vidéos montrant les travaux des deux artistes ont été relayées sur Tiktok. Résultat : la galerie Kamel Mennour, située à Paris, fut prise d’assaut. Eric Garandeau, directeur des politiques publiques de TikTok France confirme : « les musées ont connu trois âges : la conservation des œuvres, leur communication au public et la création autour des œuvres. Les musées étaient des chambres noires et des coffres-forts, ce sont aujourd’hui des maisons de verre entourés de jardins et ouverts sur la cité. »
Au même titre que la mode, la musique ou la photo, l’art s’intègre à la culture lifestyle, possède ses propres codes, ses réseaux et ses gourous. Des institutions culturelles, comme la Fondation Louis Vuitton ou le Louvre, font, d’ailleurs, appel à des créateurs pour mettre en valeur les collections et élargir son audience. Parmi eux : Camille Jouneaux qui rassemble 110 000 abonnés sur Instagram. Chaque lundi, elle met en ligne, sur son compte @la.minute.culture, une publication dans laquelle elle se réapproprie, détourne et décrypte des chefs-d’œuvre. L’autrice pose, à coup de formats courts et de références pop, un regard moderne et original sur l’art où le musée s’envisage comme un espace de création. Elle témoigne : « Loin du cliché du sanctuaire immuable, les musées sont aujourd’hui des lieux de vie à part entière. »
Une démocratisation de l’art
En 1966, dans L’Amour de l’art, les sociologues Pierre Bourdieu et Alain Darbel écrivent : « Le musée est important pour ceux qui y vont dans la mesure où il leur permet de se distinguer de ceux qui n’y vont pas » ; autrement dit, le musée est une pratique culturelle à haute signification sociale liée à un ensemble de rites. Mais, désormais, avec les réseaux sociaux, une démocratisation de l’art semble possible. Les musées rivalisent d’imagination pour attirer un nouveau public et diffuser leurs œuvres à travers divers formats. Dans le maillage des GAFAM et la tentation du scroll sans fin, leur mission est d’assurer un lien accessible entre des œuvres d’art et un large public : faire émerger toutes les réalités et facettes des œuvres pour que chaque futur visiteur se dote d’un savoir, développe son esprit critique et, dans le même temps, des facultés d’autodéfense intellectuelle pour lui permettre de mieux interroger le réel.
Nouvelles armes de séduction des musées, la culture se déconfine grâce aux réseaux sociaux. En décembre dernier, le Théâtre National de la danse de Chaillot participait, par exemple, au challenge #CultureTikTok. L’idée ? Dévoiler les collections des institutions, malgré leur fermeture imposée. Ainsi, 170 000 spectateurs en live ont pu déambuler à travers les espaces de Chaillot en assistant à des performances exclusives. Tout cela, depuis leur canapé. Autre initiative du musée : Les Gestes de la danse, une série digitale diffusée depuis le 24 mars sur Facebook, Instagram et TikTok. Chaque semaine des chorégraphes – parmi lesquels Carolyn Carlson, Noé Soulier ou Olivier Dubois – ont pu raconter leur parcours. Une façon de créer du lien, comme l’explique Eric Zion Jaoui : « Le musée est un lieu de transmission, d’initiation, de diversité et de dialogue. L’enjeu, avec ce genre d’opérations, est de fidéliser le public habituel, tout en fédérant le public de demain. »
@tiktok_france TikTok déconfine la Culture du 14 au 20 décembre ! #culturetiktok
♬ son original - TikTok France
Rassembler et éduquer avec de nouveaux outils de médiation
Avec les défis, les visites virtuelles, une communication ciblée sur leur collection et l'appel à participation du public, les musées déploient de nouveaux outils de médiation, pour rassembler, partager et éduquer. Loin de la logique informative dans laquelle elles se sont souvent inscrites, les institutions culturelles privilégient le retour de l’expérience ludique, un moment où le visiteur interagit, collabore et intègre la vie du musée : une stratégie efficace pour faire dialoguer communautés et programmation artistique. Hugues Tonnet co-fondateur de l'agence culturelle Zionsay ajoute : « Il faut savoir utiliser les nouveaux codes pour transmettre. Les contenus que l’on produit sont éditorialisés, pensés comme des portes d’entrées vers les œuvres. Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont indispensables pour rapprocher les citoyens et l’art. Ils permettent d’ouvrir la culture à tous. »
À l’automne dernier, la Fondation Louis-Vuitton a su trouver des dispositifs digitaux pour faire vivre l’exposition consacrée à Cindy Sherman. Avec ses formats nommés #FLVTips, elle a imaginé des contenus pédagogiques pour approcher l’œuvre de la photographe américaine, en s’adaptant aux tendances. Exemple : lorsque le musée se demande si la photographe a inventé le mème, il détourne un phénomène du web pour mener le spectateur vers l’œuvre matérielle.
Roei Amit, directeur adjoint en charge du numérique et du multimédia à la Réunion des Musées Nationaux explique « Les outils, contenus et canaux numériques font partie aujourd’hui de la vie de tout un chacun ; c’est pourquoi les institutions culturelles sont obligées de continuer à vivre avec leur temps et même mieux, d’être précurseurs. »
À l’heure où plus de 100 millions de photos et vidéos sont postées chaque jour sur un réseau social comme Instagram, certaines institutions culturelles ont compris l’intérêt d’enrichir leur offre numérique. C’est le cas du Grand Palais à Paris. Lors de l’exposition consacrée à Pompéi, le musée a proposé, en collaboration avec l’historienne Virginie Girod, de découvrir les anecdotes de l’époque à travers trois épisodes mélangeant images d’archives et animations motion design. Même chose avec la Fondation Louis-Vuitton qui utilise la gamification, autrement dit : le jeu comme levier d’engagement.
Ainsi, le musée invite sa communauté à tester ses connaissances sur l’artiste de la semaine à travers une série de quiz en story Instagram. L’art is the new cool.
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