
Après l’effervescence autour de la Chine, puis la Corée du Sud, de nouveaux états redistribuent les cartes du luxe en Asie. Autour d’un hub Singapourien dont l’insolente croissance n’est plus à discuter, émerge un large territoire d’acquisition pour les marques de luxe : de la Thaïlande au Vietnam en passant par la Malaisie, les grandes maisons viennent mixer leur ADN sur des codes culturels éclectiques.
Pour Thibaut Jossaume, directeur associé chez A.D.R, agence événementielle pour l’industrie du luxe et de la beauté, l’attractivité de ce marché repose sur plusieurs piliers :
- Une économie florissante – et des envies de consommation en forte hausse : effet direct de la pandémie
- Une population jeune attirée par l’aura des maisons, qui tisse des liens nouveaux avec ces dernières
- Des maisons boostées par des cultures ancestrales qui offrent une nouvelle créativité
Fort de ce constat, les pop-ups se multiplient et permettent de faire un grand écart entre produits emblématiques du luxe et traditions culturelles.
C’est ainsi qu’à Kuala Lumpur, la maison Cartier a utilisé le temps des fêtes traditionnelles occidentales pour présenter ses produits iconiques où comment les marques s’emparent de chaque festivité de l’Est comme de l’ouest en opportunités mercantiles.

Le challenge réside dans le respect de ces nouveaux territoires : des pays avec une histoire et des traditions très fortes que le luxe vient sublimer.
Pour la présentation d’une collection de Haute Joaillerie, l’agence a su habilement mélanger l’héritage Thaïlandais et l’ADN historique de la maison en réalisant un diner en pleine immersion dans le temple Wat Chaiwatthanaram, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Entre danses traditionnelles, musique contemporaine, décor et scénographie, les invités ont profité de la communion des deux mondes.

Cet engouement pour cette région s’explique également par son hyper accélération, quand certains pays ont une percée au long cours s’étalant en décennies. La croissance moyenne de la région est de 6% depuis cinq ans.
Mais pour Thibaut Jossaume, si l'effervescence post-Covid est une réelle opportunité pour les industries du luxe et de la beauté, il faut convenir d’une normalisation de la consommation : « il y a un retour à un « nouvel » équilibre, les grandes maisons ont pu rencontrer leurs nouveaux clients grâce à un environnement favorable, désormais il leur faut pérenniser ces liens en instaurant un relationnel fort et expérientiel. »
Dans cette transition, il y a un réel enjeu d’adaptation culturelle, de réinterprétation des mœurs afin d’être le plus performant sur ce territoire.
« Là où il n’y avait que quelques leaders du luxe il y a 10 ans se trouve désormais une compétition accrue pour s’implémenter dans les esprits des consommateurs. C’est notre rôle de conseil, basé depuis Singapour, de les aider dans cette mission. Nous anticipons également le comportement de leurs clients : il y a un ralentissement pour les achats frénétiques pour un comportement plus raisonné, semblable à celui des européens. »
Encore une fois, le luxe devient une valeur refuge.
Si la dynamique est lancée et l’engouement pour le luxe bien ancré, les maisons doivent tirer leurs enseignements de leur présence en Asie du Nord (notamment en Chine) en prenant soin d’honorer leurs traditions.
« Nous sommes garants de leur image, de leurs codes, de leur ADN tout en s’assurant de les imbriquer avec la subtilité et le respect que méritent ces territoires. C’est une zone composée de 10 pays au caractère unique d’où la nécessité de séduire des clients qui sont aux prémices relationnelles avec ces marques. »
Le luxe a donc une forte carte à jouer quant à la compréhension des imaginaires de cette zone : une campagne commune va s’opérer sur des pays dont la maturité économique, les paramètres historiques et religieux, les goûts générationnels diffèrent.
On assiste à une redéfinition de l'expérience client pour attirer de nouveaux consommateurs : ultra personnalisation des services, événements exclusifs et collaborations locales pour créer une expérience authentique. Le client treatment est la porte d’entrée majeure avec la multiplication des points de contact.
Pour les maisons Chanel, Cartier ou encore Van Cleef & Arpels, il faut donc imaginer de nombreux formats en boutique afin d’affiner la relation avec ses clients, accroitre la connaissance de leur ADN tout en insufflant un expérientiel subtil pour fidéliser ces nouveaux acheteurs.
Et pour attirer une nouvelle cible, plus jeune, plus connectée et friande des dernières tendances digitales, l’agence a créé pour le secteur automobile des expériences détonantes. Un écrin de bien être pour le dernier modèle de chez Bentley ou encore un pop-up hôtel reprenant l’expérience des 5 sens pour Ferrari dans plusieurs destinations asiatiques.
A travers ces deux exemples, on recrute des profils éloignés du cœur de cible habituelle pour se tourner vers des jeunes femmes au pouvoir d’achat en forte hausse.

La zone SEA est un enjeu majeur pour l’industrie du luxe. Si cette dernière a connu une croissance remarquable, il faut désormais faire la passerelle entre cultures, croyances et identité des maisons de luxe ;
Et Thibaut Jossaume de conclure : « Dans ce challenge, l’événementiel tire son épingle du jeu et permet de répondre avec justesse à ce triptyque d’équilibriste. Singapour et la région qui l’entoure est un véritable terreau d’opportunités créatives. »
Participer à la conversation