Présenté le 5 juin à la WWDC, le Vision Pro, l’ordinateur spatial d’Apple, incarne l’ambition future de la première capitalisation boursière mondiale. Une entreprise qui, en 20 ans, a révolutionné nos vies quotidiennes et notre manière d'interagir avec le monde. De quoi accorder à cette initiative un minimum de crédit et d’attention, malgré les doutes et les critiques.
Prix excessif, impact environnemental, addiction au numérique avec un nouvel écran créant cette fois une barrière physique avec le monde qui nous entoure… Le Vision Pro d’Apple a déjà reçu beaucoup de louanges mais aussi un certain nombre de critiques alors que sa sortie n’est pas attendue avant fin 2024. Comme à chaque rupture affirmée dans notre secteur (wearables, web3, intelligences artificielles), les entreprises doivent-elles attendre ou commencer dès maintenant à investir sur ce nouveau terminal ?
Partir à la conquête spatiale
L'informatique spatiale ! Apple s’est bien gardé de parler de "casque" pour présenter Vision Pro. Derrière ce terme : l’ambition de révolutionner l’informatique au sens large et pas uniquement de proposer une interface pour des expériences immersives.
Le Vision Pro a tout d'une prouesse technologique. ll est équipé de caméras capables de retranscrire l’environnement immédiat de l’utilisateur, de deux écrans micro-OLED ultra haute résolution pour un affichage en 4K, d’un système audio spatial basé sur la forme de la tête de l’utilisateur et la géométrie de son oreille et des puces maison M2 et R1 qui gèrent les données de 12 caméras, 5 capteurs et 6 micros !
Un concentré de technologies qui devrait, au-delà du Vision Pro, progressivement se démocratiser pour proposer une nouvelle version du web qui reste à inventer.
Rêver le web en 3D
Pour les entreprises, appréhender cette révolution nécessite dans un premier temps d'acculturer leurs équipes, d’imaginer de nouveaux services en comprenant les possibilités offertes par le Vision Pro, de réaliser des POC techniques pour prendre en main le sujet. Difficile d’avoir plus d’ambition à date, mais la complexité et la rupture technologique vont de toute façon nécessiter un temps de veille et d’apprentissage porté par les équipes innovation.
Réfléchir aux usages, revoir les plateformes et assets de marque dans des univers en 3D, réinventer les parcours utilisateurs et l’UX des interfaces dans des environnements de réalité virtuelle ou mixte, intégrer les nouvelles formes d’interactions offertes par le Magic Keyboard, le Magic Trackpad ou celles s'appuyant sur les mains, la voix ou le suivi des yeux grâce aux technologies VoiceOver, Switch Control, Dwell Control, Guided Access ou encore Head Pointer… Autant de challenges à relever pour les équipes produits et techniques.
Faire un petit pas, mais dans quelle direction ?
Son prix élevé - $3499 - fait de Vision Pro un produit de niche. Au-delà des jeux et des films, les services B2C qu'il proposera devront logiquement cibler une clientèle premium, avec des services et des produits haut de gamme dans l’univers du luxe et du divertissement (immobilier, automobile, joaillerie, horlogerie...).
Les usages professionnels seront également intéressants à travailler : équiper la force de vente des magasins de déco ou les architectes d’outils d’aide à la projection pour accompagner les clients, former des équipes dans la construction ou l’agriculture pour augmenter le réel sur le terrain. Les pistes d’opportunités devront être choisies avec précaution, même si le retour sur investissement direct ne devra pas être la priorité.
Au-delà d’applications entièrement pensées pour le Vision Pro et ses possibilités, il est aussi possible d’adapter les sites web et applications actuelles sans plus d'efforts pour démarrer.
Avoir une visionOS
Si le casque va se faire attendre, le kit de développement est déjà disponible depuis le 21 juin. Il est donc déjà possible pour les équipes de prendre en main concrètement visionOS, le premier système d’exploitation spatial.
D’abord pour appréhender les expériences spatiales. Les interfaces sont désormais composées de fenêtres (Windows) et de volumes (Volumes), qui permettent d’afficher des éléments en 2D ou en 3D et des scènes intégrant de la profondeur, ainsi que d’espaces (Spaces). Ce sont les composants les plus complets, qui rassemblent à la fois les fenêtres, les volumes et l’utilisateur lui-même. Les services peuvent être utilisés en mode Shared Space (plusieurs éléments et applications côte à côte, circulairement autour de l’utilisateur) ou en mode Full Space, plus immersif, qui est dédié à une application unique et ou l’utilisateur définit lui-même le niveau (passthrough, progressive, fully immersive) de présence du monde réel au sein de l’application. Ces concepts nécessitent un certain apprentissage afin d'être maîtrisés.
Par ailleurs, les équipes devront prendre en main les logiciels et outils associés. Si visionOS a été pensé par Apple pour les développeurs iOS déjà familiarisés avec son écosystème, la création de ces nouvelles expériences reste complexe. Choisir des profils de designers et de développeurs avec une forte appétence pour les univers 3D et la vidéo est nécessaire pour bien maîtriser Unity, ARKit, Reality Kit ou Reality Composer Pro par exemple.
S’appuyer sur les Labs d’Apple
Évidemment l’une des barrières à l'émergence de nouveaux services va être la non-disponibilité immédiate de Vision Pro pour tester la réalité des expériences proposées. Pour pallier ce manque, Apple a lancé les Apple Vision Pro Labs qui vont permettre aux entreprises et aux développeurs de pouvoir tester leur service sur des Vision Pro mais aussi d’être accompagnés par les équipes Apple. Les labs, aujourd’hui situés à Cupertino, Londres, Munich, Shanghai, Singapour et Tokyo, sont ouverts à tous, même si la forte demande risque d’obliger Apple a privilégier les projets les plus ambitieux et démonstrateurs des capacités de Vision Pro et visionOS.
Vision Pro et visionOS ouvrent peut-être un nouveau chapitre de l’informatique, qui, après s’être libéré de l’ordinateur avec les smartphones, semble à l’aube de s’affranchir de l’environnement 2D pour offrir une expérience plus immersive et plus proche de la réalité.
Pour les entreprises, il convient de commencer par des petits pas avant un éventuel grand bond !
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