
La start-up Depixus s’apprête à révolutionner l’épigénétique en donnant accès à la lecture de son code. Un code essentiel pour comprendre l’influence de l’environnement sur notre devenir.
Alimentation, environnement, alcool, tabac, stress… autant de facteurs qui ont une incidence sur notre devenir en modifiant l’expression de nos gènes, en les faisant glisser d’un mode « actif » à un mode « inactif ». Ils déterminent ainsi si une personne doit arrêter de grandir, si son système nerveux doit continuer à évoluer ou pas… Ces « variantes » constituent le code épigénétique, qui, assemblées à notre code génétique, composent notre ADN. Comme les accents modifient le sens des mots, ces « marqueurs » déterminent ce que nous serons demain.
Le code épigénétique, de par son aspect « réversible », détient donc des informations précieuses qui, si l’on était capable de les lire, permettraient de mieux comprendre les mécanismes des maladies. Malheureusement, à ce jour, ce n’est pas le cas. Du moins pas encore…
Vincent Croquette avec son équipe de chercheurs de l’ENS et du CNRS, par le biais de la start-up Depixus, pourrait changer la donne. Ainsi : 14e Tremplin des entreprises 2013, Concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes 2013, grand prix de l’innovation 2013 de la Ville de Paris, Concours mondial d’innovation 2014, le palmarès est éloquent et laisse présager une grande découverte.
Pour mieux comprendre les enjeux de leurs recherches, il faut revenir aux fondamentaux. Pour séquencer le génome, il existe principalement deux technologies. La méthode dite de Sanger, datant de 1977, qui marche très bien mais analyse un petit nombre de bases et reste hors de prix ; les NGS (next-generation sequencing), datant des années 2000, et dont la qualité des résultats est un peu moins bonne, mais qui est capable d’analyser un très grand nombre de bases à un prix très compétitif. « Séquencer est très difficile : on cherche la nature d’une base qui est 150 000 fois plus petite qu’un cheveu. Pour avoir un bon signal, les méthodes NGS amplifient donc, en amont, les fragments d’ADN des cellules – par un procédé appelé la PCR – afin de pouvoir lire les séquences en parallèle. Cette technologie présente un défaut : par cette amplification, elle fait disparaître le code épigénétique inscrit sur l’ADN. Cela peut s’apparenter à un texte qui perdrait tous ses accents », explique Vincent Croquette. « Donc quand certaines personnes disent qu’elles séquencent votre ADN, elles n’ont raison que dans une certaine mesure, puisqu’elles ne peuvent pas savoir, par exemple, si un gène est exprimé ou pas… Dans le cancer, certains gènes sont rendus silencieux, d’autres sont au contraire plus exprimés, et vont amplifier ou pas la maladie. Un séquençage normal ne permet pas de voir ces modifications. »
Depixus est en place de révolutionner ces modèles et propose une technologie troisième génération : plus d’amplification de l’ADN, on séquence une seule molécule. « Dans ce cas-là, vous gardez les accents et vous obtenez les codes génétiques et l’épigénétique. Le prix à payer : pour obtenir ces résultats, nous sommes obligés de ne séquencer qu’une seule molécule. Or, c’est beaucoup plus difficile » , poursuit Vincent Croquette. « Aujourd’hui plusieurs équipes travaillent sur le séquençage à l’échelle de la molécule unique. C’est le cas notamment de Pacific Biosciences mais pour revenir à notre analogie, Pacific Biosciences lirait bien les accents graves, mais ne verrait pas les accents aigus qui sont les plus courants dans notre langue. »
La start-up Depixus utilise une approche différente de ses concurrents. Les tests effectués en laboratoire ont démontré que l’équipe était capable de lire la plupart des accents. « L’entreprise est en train de développer cette technique pour la rendre utilisable et la commercialiser », dit Vincent Croquette. « L’accès à l’épigénétique est essentiel car il permet une meilleure connaissance de la maladie, pour poser le bon diagnostic et déterminer de meilleurs traitements. »
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