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Comment communiquer en période de crise et dans un monde en constante mutation ?

© Fauxels

Avant la pandémie, les marques devaient déjà naviguer dans un environnement média fragmenté où contenus et canaux se multiplient. Deux ans plus tard, comment ont-elles évolué ? Des éléments de réponse avec Cécile Bitoun, directrice générale d’Isobar France.

Quel a été l’effet de la crise sur la communication des marques ?

Cécile Bitoun : Il y a d’abord eu une phase de sidération globale qui a entraîné une perte de moyens. Passée cette phase, les attitudes et les changements ont été différents en fonction des clients car contrairement à certaines idées reçues, les périodes de crise ne sont pas des périodes où on ne communique pas et où il n’y a pas d’opportunités. Aujourd’hui, les marques ne font pas que dire des choses, elles font aussi des choses. Et en période de crise, on attend précisément d’elles qu'elles fassent des choses. Certaines marques se sont donc retrouvées en situation de proximité et d'utilité. 

Est-ce que rester inactif est le pire que puisse faire une marque ?

Ça peut être une décision réfléchie pour ne pas amplifier. C'est une responsabilité de répondre. Les marques peuvent aussi considérer que les communautés ont la liberté de discuter entre elles et que les marques ne doivent pas nécessairement s'infiltrer dans toutes les communications / conversations. Donc ne pas répondre n'est pas forcément préjudiciable à une marque et en soi, c'est aussi un message envoyé.

Après deux ans de pandémie, comment se porte le marché français de la com' ?

Le marché a vu s'envoler, corps et âme, une grande partie de son business. Des millions d'euros ont disparu du business des agences. Notamment concernant le marché de l'investissement média et des scopes. Mais il y a quand même eu des grands gagnants du fait de reports d'investissements sur l’e-commerce, le CRM ou le post-purchase. Les entreprises ont pris conscience que c'était un patrimoine que d'avoir des clients et qu’il fallait travailler avec eux.

Donc si une partie du monde était à l’arrêt, un autre monde a accéléré à une vitesse folle sur tout ce qui concerne l'innovation, la technologie, le métavers, la réalité virtuelle.

La prise de conscience environnementale liée à cette crise a-t-elle eu un impact sur la narration des marques ? 

La crise aura permis une prise de conscience et une accélération globale. Les sujets RSE qui étaient sous-jacents ont pris une forme d'urgence et sont portés au plus haut niveau des entreprises. Ce sont des sujets extrêmement vivaces et porteurs de sens. Face à cette prise de conscience, les thématiques corporate, à savoir la façon dont les marques se comportent sur les sujets environnementaux, sociétaux, de ressources humaines, de modes de travail sont devenues des enjeux de communication énormes.

Aujourd'hui, cette dimension « corporate » est une source de différenciation. La RSE relève désormais d'une certaine forme de « supériorité », de distinction et de préférence de marque. C'est un sujet de communication à part entière, qui prend sa place dans l'écosystème de l'expérience de marque et qui intègre la narration publicitaire. 

Ce qui a fondamentalement changé – et je le disais plus haut – c’est qu’auparavant, la marque était ce qu’elle disait. À présent, elle est ce qu’elle fait. La synchronisation entre ce qu'elle dit et ce qu'elle fait l'oblige – et c'est fondamental – à faire un gros travail sur elle-même, sur son ADN et les émotions qu’elle souhaite susciter. Tout un chacun est en contact avec les marques sur de nombreux canaux, qui constituent dans leur ensemble l'expérience de marque. C'est beaucoup plus puissant qu'une simple narration.

Pour autant, la narration publicitaire dans sa forme traditionnelle n'a pas disparu...

Elle existe encore, bien sûr, mais elle fait désormais partie d'un écosystème global, et n'est plus dans une position d'hégémonie. Il y a aujourd'hui mille médias et ça change tout ! Prenons l'exemple des funnels, tels qu'ils étaient envisagés. Auparavant, on parlait de « above the line » et « beyond the line ». Aujourd'hui, le haut du funnel comprend le branding, la création de la marque et va jusqu'au e-commerce. Tandis que le bas du funnel ne se réduit pas seulement au CRM mais englobe tout ce qui est de l'ordre du « post-purchase ». Chaque canal a sa narration.

Parlons canaux, justement. Selon une étude de l'Union des marques, cette année, les annonceurs ont privilégié les réseaux sociaux pour diffuser leurs campagnes (devant le search, le display et la TV). Comment l'expliquez-vous ?

Les réseaux sociaux sont à la fois créateurs de contenu et générateurs d'audience, une forme de synthèse de la communication. Quand on parle de réseaux sociaux, il y a deux aspects importants à considérer : les communautés et la co-création.

Les communautés existent à travers, en dehors et parfois envers les marques. Elles ont le pouvoir de les faire et les défaire. Il faut donc apprendre à vivre avec, à les intégrer, à entrer dans leurs conversations, à s'appuyer sur elles, à les embarquer. 

Mais le sujet des réseaux sociaux touche aussi à la co-création et à l'influence. On est passé d'un modèle où on payait des influenceurs pour qu'ils fassent la promotion d’un produit, à des modèles plus élaborés où les marques co-produisent et fabriquent avec eux. On s’intéresse donc désormais à la capacité créative de l’influenceur. Il existe aussi des formes plus poussées de co-création où les marques intègrent les influenceurs à leur board.

Une fois sur les réseaux sociaux, les contenus n’appartiennent plus aux marques. Comment s’adaptent-elles ?

Le risque est toujours là. Travailler avec des gens qui ont une liberté de parole et de création oblige les marques à dealer avec cette liberté et la capacité qu’ont les influenceurs et les communautés à s'approprier les contenus, à les faire eux-mêmes et à en fabriquer. Soit au nom d’une marque sans qu’elle le leur ait demandé, ou parfois contre une marque. Il faut l'accepter et apprendre à jouer avec.

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