Une équipe de foot féminine

Chartes éthiques des entreprises : une étude pour comprendre les relations entre l’individu et le collectif

Avec Neotopics
© skynesher

L’esprit d’équipe est devenu un sujet majeur. S’intéresser aux chartes ou aux codes éthiques des entreprises, c’est mieux comprendre la réalité des relations qui se jouent, entre l’individu et le collectif, entre l’équipe-projet et le groupe aujourd’hui. Par leurs choix sémantiques, ces documents donnent la règle du jeu.

Par Catherine Malaval, docteure en histoire et présidente de Neotopics

Le sport est depuis longtemps un terrain d’inspiration pour les entreprises, concrètement depuis le taylorisme et l’organisation scientifique du travail. Ces relations prennent aujourd’hui d’autres formes, liées aux besoins de l’époque : organisation en mode projet, télétravail, etc. Avant le confinement, a émergé cette nouvelle fonction de Happiness Officer, une sorte de Gentil Organisateur, façon ClubMed. On ne compte plus les reconversions vers le  « coaching » professionnel. Dans les startups, le temps de travail est ponctué de daily stand ups et de sprints.

Citius, Altius, Fortius — Alors que les Jeux Olympiques se préparent à Tokyo, la devise et les valeurs portées par l’Olympisme résonnent avec force avec les enjeux contemporains et les valeurs des entreprises. Ces valeurs sont au nombre de trois.

L’amitié

La flamme olympique en est le symbole. Récemment interrogé dans Les Echos, Richard Gnodde, le vice-président de Goldman Sachs (2 juillet 2021), insistait plutôt sur le mot « camaraderie », ce que procure pour lui le fait de travailler au même endroit. « Nous croyons fermement que le bureau restera le centre de gravité du travail, disait-il. Nous évoluons dans une industrie créative, qui suppose que les équipes travaillent ensemble. Les jeunes apprennent le métier en regardant les banquiers seniors faire leur travail. La cohésion et la culture de l'organisation jouent aussi un rôle clef. »

Le respect

Au-delà de la loyauté entre les personnes et vis-à-vis de l’entreprise, la notion de respect induit également l’idée de responsabilité et de considération. Elle embrasse, à ce titre, la question de la contribution de l’entreprise à l’intérêt général, de sa prise en compte de son impact sociétal et environnemental.

L’excellence

Pour l’individu, ce sera la capacité à donner le meilleur de soi et à se dépasser. Cette valeur s’entend aussi bien en termes d’efficacité de la mission de l’entreprise que de croissance économique. Comment agir de manière éthique et responsable ? Car il est là question d’exceller pas seulement d’être performant.

L’olympisme a une charte. L’écho entre la devise, les valeurs olympiques et les problématiques rencontrées par les entreprises invitent à s’interroger : de quelle manière ces sujets sont-ils incarnés dans un discours ? 

En 2020, Motamorphoz, l’observatoire de veille sociétale et d’analyse lexicale créé par Neotopics, a passé à la loupe les chartes et codes éthiques des entreprises du CAC 40. Ce sont des documents publics, inclus dans l’ensemble des documents publiés, au même titre que le rapport annuel ou le rapport RSE par exemple. Au-delà de leur rôle réglementaire, ils remplissent une fonction de prise de parole publique. De cette analyse quantitative et qualitative, voici les principaux enseignements.

  1. Charte, code, guide ou programme ? Le choix du mot est essentiel. Le premier terme nominal du document est « code » à 48,7% suivi par « charte » à 32,4%. Les mots « guides », « principes » et « programme » se partagent le reste. Chaque mot implique un public cible différent (collaborateurs, parties prenantes, les deux à la fois….) et un degré de contrainte différent : pour faire simple, le « guide » informe, la « charte » contraint et le « programme » normalise. Les « principes » fédèrent toutes les parties prenantes autour de valeurs communes. Le « code » régit les comportements individuels
  2. Ethique, déontologie, conduite ou comportement ? Le deuxième mot du titre (nom ou adjectif) accentue le sentiment d’obligation en apportant, bien souvent, une charge morale. Il informe sur le contenu du document, qui est à chaque fois relatif à l’organisation des comportements, adossés à une justification morale (c’est le principe des chartes éthiques). La manière de désigner cette organisation dénote de son caractère plus ou moins structuré et contraint.
  3. Les chartes éthiques ont toutes le même objectif fonctionnel : poser les règles que les salariés doivent respecter. Néanmoins, si elles font référence au sein de l’entreprise, ces règles ne relèvent pas à proprement parler d’une obligation juridique ; c’est le principe du « soft law ».
  4. Trois univers de référence. L’introduction de ces documents s’appuie à 45% sur des références à un univers entrepreneurial, à 39% sur l’histoire du groupe et à 16% sur des enjeux de sociétés. L’esprit d’équipe n’est pas, à ce titre, une fin en soi, mais bien un outil au service du bon fonctionnement de l’entreprise.
  5. Une vision de l’équipe assez traditionnelle. La vision de l’équipe est assez traditionnelle, puisqu’elle est associée à 56% avec les concepts de structure et d’organisation et seulement à 36% avec ceux de rassemblement et d’unité.

En résumé, le « soft law » porte bien son nom : davantage contraignantes que mobilisatrices, individualisante plus que fédératrices, les chartes éthiques sont, dès leur nom, des outils de régulation. Leur efficacité dépend tantôt de leur portée symbolique, qui rassemble derrière des valeurs, tantôt d’une règle à suivre. Le terme « équipe », en effet, peut renvoyer aussi bien à des individus épars qu’à un groupe cohérent. Ici, un ton plutôt directif conduira à individualiser la relation, quand ailleurs l’expression de la volonté aura tendance à susciter l’adhésion.

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