Gazoduc

Blé, gaz, engrais : le conflit en Ukraine atteint les campagnes françaises

© Ratul.Gosh

Le 24 février 2022, le Salon de l’agriculture ouvrait ses portes à Paris. Adieu vaches, veaux, cochons… dans tous les esprits flottait la guerre en Ukraine. Décryptage.

Le monde agricole inquiet

Le 24 février dernier, quelques heures après l’entrée des troupes russes en Ukraine, le cours des matières premières agricoles s’est envolé : le blé a atteint le prix record de 344 euros la tonne, la Russie et l’Ukraine étant respectivement le 2ème et le 4ème grenier de blé mondiaux. « La mer Noire produit 15% des volumes de blés mondiaux et exporte 40% des blés échangés sur la planète », raconte un article paru dans Ouest France. Problème : les navires n’y circulent plus.

Une bonne nouvelle pour les céréaliers de l’Union européenne, des États-Unis ou d’Argentine ? Pas vraiment ; leurs dépenses énergétiques s’envolent également. Les engrais utilisés pour produire des céréales dépendent aussi du gaz. De plus, sur le marché des engrais, la Russie représente 16%. La guerre pourrait donc avoir une incidence sur les prix des engrais, et donc sur la capacité des autres producteurs céréaliers mondiaux à obtenir des engrais. Or, là aussi, les cours flambent.

Une histoire de gaz

Rappelons que la Russie est le plus grand fournisseur de gaz et de pétrole de l’UE. L’Union Européenne ne pourra se passer des gazoducs russes à court et moyen terme, expliquait Les Échos le 22 février dernier. En matière d’énergie primaire, l’Europe est dépendante des importations. En 2018, d’après Eurostat, 58,2% provenait de sources importées.

Le gaz assure 22% des besoins énergétiques européens. Malheureusement, sa production en Europe décline, et n’était déjà pas suffisante pour couvrir tous les besoins. La part de marché en Europe de Gazprom est « passée de 25% à près de 40% en moins de dix ans », commente Les Échos.

Quelles alternatives alors ? Le gaz naturel liquéfié importé du Qatar ou des États-Unis, mais que l’Union européenne doit disputer à des acheteurs asiatiques (Chine, Corée du Sud ou Japon) particulièrement consommatrices. Son cours ne risque pas de baisser. Plus embêtant, les capacités actuelles de production de GNL ne suffiront pas à répondre à tous les besoins actuels en gaz. La mise en place d’une unité de GNL prend du temps. L’idéogramme chinois utilisé pour signifier « la crise » veut également dire « opportunité ». Cette crise en matières premières serait-elle l’occasion de sortir des énergies fossiles - par la force des choses ?

Une opportunité ?

C’est en tout cas le point de vue du directeur de The Shift Project. « La transition énergétique est aussi un impératif géopolitique », déclarait sur LinkedIn Matthieu Auzonneau, directeur de l’ONG The Shift Project. Ce dernier pointe le « risque très élevé de déclin des productions russes de pétrole et de gaz », une conclusion tirée de projections à 2040 quant à la production future de gaz, réalisées par le cabinet d’intelligence économique norvégienne Rystad Energy. Autrement, le passage à une économie décarbonée s’impose au-delà de ses vertus écologiques. À méditer…

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