un robot debout

La guerre des « super apps » de santé est déclarée

La crise sanitaire a provoqué un boom des plateformes existantes d'e-santé, mais elle a aussi ouvert la porte à de nouveaux acteurs bien décidés à dépoussiérer le secteur. L’expérience client et l'offre de services sont leurs nouveaux terrains de bataille. La course à la super app est lancée !

Le constat est unanime : la crise sanitaire a accéléré la transformation numérique des soins de santé. Pour preuve, dans son rapport « State Of Mobile 2021 », App Annie, fournisseur de données et d’analyses mobiles, estimait que plus de 71 000 nouvelles applications de santé et de fitness avaient été lancées en 2020. Toujours selon la même source, « les dépenses des consommateurs en matière de santé et de fitness ont augmenté de 30 %, les téléchargements d’applications de 30 % et le temps passé sur les applications de 25 %, par rapport à 2019 ».

La santé numérique passe à la vitesse supérieure

Si l’Europe est encore à la traîne par rapport à l’Amérique du Nord, une dynamique positive se dessine, avec la France comme épicentre. En effet, selon le site Eficiens, « sur 84 fonds actifs dans la santé numérique sur le Vieux Continent, 27 sont basés dans nos contrées, dont 6 d’entre eux sont exclusivement dédiés à la e-santé ». Les quantités de capitaux records attestent de cette tendance à la digitalisation de la santé. Selon Mind Health, « Les fonds levés par les startups françaises de la e-santé ont atteint 929,45 millions d’euros en 2021, contre 391,4 millions d’euros en 2020. » Ainsi, parmi les 58 startups concernées, quatre ont franchi la barre des 100 millions d’euros, trois d’entre elles sont devenues des licornes et deux se retrouvent dans le classement Next40 2022.

Et ce n'est qu'un début ! En effet, dans une interview à EURACTIV Benedikt Blomeyer, directeur de la politique européenne chez Allied for Startups, un réseau mondial d’associations de startups, indiquait : « Nous voyons des chiffres qui montrent que le marché de la télésanté et des thérapies numériques va quadrupler, voire quintupler, au cours des cinq prochaines années. » Et les grandes entreprises l'ont bien compris. À l'image de Sanofi, Capgemini, Generali et Orange qui ont annoncé en avril 2021 la création de Future4care, un accélérateur de startup dont l’ambition est le « développement rapide de solutions e-santé ainsi que leur mise à disposition sur le marché ».

Alors comment exister et se démarquer dans ce marché florissant qui compte de nouveaux arrivants chaque mois ? En rivalisant de services. Ainsi les applications se muent désormais en « super app » et l’expérience client devient le nouveau terrain d’affrontement des applications de santé.

Les « super apps », c’est l’avenir ?

Selon Tommy Douziech du site Zonebourse.com, à l'avenir « les entreprises les plus précieuses au monde seront des super apps ». Mais qu’entend-on par « super app » ? Une « super application » regroupe sur une même plateforme un grand nombre de fonctionnalités et d'offres. À l'image d'Alphabet avec Android ou la suite Google réunissant de nombreux outils (Chrome, Maps, Search, Play, Gmail, YouTube, Docs, Sheets, Slides, Drive, Meet, Calendar, Forms, Hangouts, etc.).

Appliquées à la santé, les « super apps » combinent une pléthore de services qui vont du chat médical à la téléconsultation en passant par des services autour de la santé mentale.

C'est le cas de la « super app » Alan, une assurance santé indépendante et 100 % en ligne. Si à ses débuts Alan proposait une assurance santé pour les indépendants et les PME, l’application a rapidement complété son offre avec un chat médical ainsi que de la téléconsultation. En avril 2021, la jeune pousse levait 185 millions d’euros pour déployer de nouvelles fonctions et s’étendre à l’international. Deux nouvelles offres ont depuis vu le jour : Alan Baby, une application gratuite sur la parentalité et Alan Mind, dédiée au bien-être psychologique. La même année la « super app » arrivait en tête du classement des startups les plus attractives de LinkedIn France. À ce jour Alan compte 10 000 entreprises clientes et revendique 250 000 assurés.

Autre exemple d'une petite appli devenue grande : Doctolib. En janvier 2022, Doctolib annonçait investir 300 millions d’euros en France, en Allemagne et en Italie, dont 80 % seraient dédiés au développement des solutions existantes et à la création de nouveaux services. Parmi lesquels, une nouvelle suite de services pour les hôpitaux (250 hôpitaux publics sont utilisateurs de Doctolib), Doctolib Médecin, un logiciel médical et administratif « nouvelle génération » et Doctolib Team, un outil de coordination des soins entre professionnels de santé. Doctolib indique collaborer avec 300 000 personnels de santé (100 000 nouveaux en 2021) et 60 millions de patients utilisent désormais l'application en France, en Allemagne et en Italie. Forte de son dynamisme, Doctolib a annoncé un vaste plan de recrutement en 2022 (700 nouveaux collaborateurs) et prévoit de devenir Entreprise à Mission en 2022.

Un manque de règlementation qui inquiète

Expérience client optimisée, conforme aux nouveaux usages et pensée pour séduire l’utilisateur 2.0, les services sont alléchants, mais quid de la sécurité ?

On estime qu’il y aurait plus de 350 000 applications concernant la santé disponibles sur les différents Store en ligne. Toutefois, on peut déplorer que leur développement ne soit pas suffisamment encadré. Si la Haute Autorité de Santé (HAS) a établi, en collaboration avec la CNIL et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, 101 recommandations à l’attention des éditeurs et évaluateurs, ce référentiel n’impose aucune obligation. Difficile alors de juger de leur sécurité et de savoir ce qu’il advient de nos données personnelles. Selon les experts, seule une application sur trois observerait ces bonnes pratiques. Prudence donc ! Car si ces datas présentent des bénéfices multiples (faciliter le parcours de soin, répondre au vieillissement de la population...), elles représentent également un trésor pour les hackeurs. Souvenez-vous durant l’été 2021, 1,4 million de personnes ont eu leurs données de santé volées suite à une cyberattaque qui a touché l’AP-HP.

On notera cependant que des super apps comme Doctolib semblent prendre en compte ces enjeux de cybersécurité. Ainsi l'application indiquait en janvier 2022 avoir doublé la taille de son équipe d’experts en cybersécurité, obtenu la certification ISO 27001 et la confirmation par le Conseil d’État de la conformité et l’efficacité des conditions d’hébergement des données des utilisateurs.

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