Homme dans la forêt

Dans les coulisses de la redirection écologique des entreprises

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Phase d'éveil, communication responsable, changement de la culture d'entreprise... Comment se concrétise la redirection écologique des entreprises ?

« Une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, entreprises et gouvernement », telle est décrite par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) la redirection écologique. Des agences se sont spécialisées dans l'accompagnement des entreprises pour passer le cap écolo et les aider à interroger leurs modèles, leurs produits, en les passant au tamis de l'urgence écologique. Zoom sur trois pratiques concrètes de la redirection écologique des entreprises.

Redéfinir la trajectoire du chiffre d’affaires

Pour comprendre la redirection écologique des entreprises, il faut l'appréhender dans sa globalité, avec sa connexion à nos modes de consommation. Vincent Rabaron, fondateur de l’agence de redirection écologique Vingt et un vingt deux (21-22) voit les solutions à l’urgence écologique comme une discontinuité de nos productions et de nos consommations. Autrement dit, comme une déconstruction de notre système capitaliste actuel.

L’agence apporte aux entreprises des pistes de réflexion sur des moyens de réduire leur empreinte écologique. Telle une fée marraine, elle chuchote à l'oreille des entreprises les clés pour redéfinir la trajectoire de leur chiffre d’affaires.

Prenons l’exemple de Tediber, producteur de matelas. La production de matelas en mousse polyuréthane induit l'utilisation de pétrole. Des matelas polluants, donc. Avec la RSE de Tediber, l'agence Vingt et un vingt deux a imaginé la conception d'un nouveau matelas, vertueux et à impact faible. L'upcycling, soit la revalorisation de matières telles que la laine locale, aurait pu être une approche. Mais, idée nouvelle, 21-22 a proposé à Tediber le « downcycle » de mousse polyuréthane. En coupant celle-ci en petits morceaux, il est possible d’en faire de la mousse agglomérée, réutilisée, par exemple, dans des tapis de judo. « Le défi est de se préparer à la fermeture des systèmes dont on hérite. En effet, en ce qui concerne l’utilisation de mousse polyuréthane ou de certains ressorts par exemple, il faut démanteler ces chaînes de production au profit de produits plus vertueux et avec des volumes de vente moins importants afin de travailler sur la durabilité du produit ».

Rome ne s'est pas faite en un jour et la transition écologique non plus. Et une fois la mise en place de la circularisation du produit en fin de vie, 21-22 et Tediber ont dû aussi se pencher sur l' « effet rebond » de ces innovations. La pénurie des stocks apporte en effet son lot d'inquiétudes. Mais chaque chose en son temps.

Les principes d’une communication responsable

Alors que de nombreuses campagnes de communication sont aujourd’hui pointées du doigt pour leur « greenwashing », le champ d'action de la REE (redirection écologique des entreprises) s'inscrit aussi dans le déploiement d'un discours responsable et authentique.

Fondée en 2009, Econovia est une agence de communication responsable. Son but ? Intervenir sur des campagnes 360° d’entreprises actives dans le secteur de l’économie sociale et solidaire et plus particulièrement la RSE et le développement durable. Comment ? À travers le pilotage de stratégies de communication qui s’inscrivent dans sa charte écoresponsable, loin de l'adage « faites ce que je dis, pas ce que je fais » . Réduction de son impact écologique dans la pratique, campagnes accessibles à tous... ponctuent les campagnes de communication, initiées par l'agence. Dans son portfolio, on peut voir :

  • Un partenariat avec la méta-organisation Démocratie Ouverte. Dans le cadre des présidentielles, Econovia travaille à l’interpellation des candidats et à la prise en compte des mesures demandées par Démocratie Ouverte sur des sujets environnementaux. Une stratégie com' qui s'est traduite par des campagnes de mobilisation de la société civile et l'écriture de tribunes.
  • Un contrat avec la fondation Agir Contre l’Exclusion : Econovia privilégie le recours à des prestataires du secteur de l’ESS. La fondation lui confie les campagnes du concours « S’engager pour les quartiers », la présentation de son baromètre annuel ou encore des études sur la mixité sociale et la diversité.
Julie Schwarz, fondatrice Econovia

Pour sa fondatrice Julie Schwarz, le but de l’agence est de « dépoussiérer des modes de fonctionnement qui étaient archaïques. On ne peut changer sans échanger et aujourd’hui, il est essentiel de mettre la com’ au service de la transition et de la transformation et d’en faire un vecteur de transformation sociétale, écologique et citoyenne », déclare-t-elle. Pour cela, Econovia inscrit sa prospection de clients dans huit principes de la communication responsable. 

Les entreprises qui souhaitent travailler avec Econovia doivent, entre autres, avoir pour but de transformer et non de vendre, porter un message d'inclusion et de pluralité et présenter une politique d’achat et des modes de production responsables et durables.

« Tendre vers une refonte du modèle économique traditionnel »

« Chez 21-22, on souhaite amener les entreprises à trouver des solutions à leur impact environnemental (élevé, ndlr) par elles-mêmes. Ce qui devient intéressant, c’est qu'une fois que l’entreprise a appréhendé le sujet dans sa globalité, elle peut se poser les bonnes questions ».

Pour Vincent Rabaron, avant même de mettre en place des pratiques à la hauteur, il s’agit d'abord « de mettre les points sur les i et d'aligner son modèle d'affaires avec les limites planétaires ». 

Vincent Rabaron, fondateur de 21-22

En 2020, un grand producteur d’emballages en verre français engage 21-22. Sa mission ? Accompagner l’entreprise dans sa démarche RSE et l’aider à s’approcher de son objectif d’1 % de réduction de CO2 / tonnes de verre vendues par an. Suffisant ? Pas vraiment.

Pour Vincent, il était impossible de concevoir une redirection de l’entreprise sans d’abord comprendre pourquoi elle était nécessaire. L’agence repart alors de zéro, cerne les attentes de son client et insère ses objectifs dans le contexte de l'urgence climatique. Résultat des comptes, un nouvel impératif : viser une réduction de 50 % d’émissions carbone en dix ans (et non pas par tonnes de verre ! ). 

21-22 suggère à l'entreprise d'étudier les pistes liées au réemploi du verre, jusqu'à présent impossible pour le modèle économique de l'entreprise. En effet, dans le modèle actuel basé sur la vente de verre à usage unique, le producteur de verre gagne de l'argent en produisant du verre et en le recyclant. La consigne peut donc être perçue comme une menace.
Mais l'acculturation rapide de l'entreprise a permis aux dirigeants de s'ouvrir à ces perspectives et de lancer dès cette année l'étude de ces orientations. Cette initiative s’inscrit désormais dans un changement culturel d’entreprise qui permettrait, Vincent Rabaron l’espère, de « générer un nouveau discours auprès de leurs clients ».

Sur le long terme, le fondateur de l'agence souhaite « pouvoir toucher d’autres fournisseurs de verre dans l’amélioration des processus de production de verre qui, incompressible, devrait tendre vers des discours de refonte du modèle économique traditionnel ».

Les défis de la REE

Sans accros, la REE, ça ne serait pas drôle. Outre les incompatibilités industrielles, le manque d’acculturation des entreprises est l'une des raisons qui ralentit, voire pousse les dirigeants à renoncer à changer

Alors qu’aujourd’hui, l’enjeu climatique mobilise le débat social et politique, une compréhension globale de l’urgence écologique est, pour Vincent Rabaron, nécessaire à toutes les échelles pour aborder le sujet « dans toute sa complétude ». Julie Schwarz renchérit et regrette que certaines agences s’improvisent écoresponsables en « se positionnant sur le développement durable sans véritables éléments de preuve pour accompagner leurs dires ».

En deuxième lieu, le fondateur de l'agence écologique 21-22 pointe aussi du doigt le désir de développement des startups qui « contredisent les efforts globaux vertueux et durables » ; l’existence d’une technosphère « qui n’est pas encore compatible avec l’urgence écologique »  ; et enfin la marge de manœuvre de l'agence qui, incapable de détourner l’activité d’une entreprise, peut en revanche « apporter une expertise et inciter un changement de discours » .

Un mea-culpa à demi-mot, Julie Schwarz reste consciente du caractère énergivore de la communication. L'empreinte digitale du site web est compensée à travers le label ECOWEB, l’utilisation de vidéos automatiques mais aussi de services de stockage centralisés. Montrer patte blanche, ok, mais reconnaître que cela prend du temps fait partie intégrale du processus.

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