
Le cabinet d’avocats spécialisé dans le droit familial, PacisLexis Family Law, nous a ouvert les portes de son bureau virtuel. Et c’est pour le moins déroutant.
« Je suis dans un endroit qui s’appelle Bootstrap Family. » « Je suis un petit bonhomme au bonnet marron et habit bleu. » Ce qu’on utiliserait d’ordinaire – la description physique ou l’orientation géographie, ne servent pas à grand-chose pour retrouver quelqu’un dans un univers virtuel. « C’est que d’ordinaire, je bloque l’ascenseur. Faites refresh, ça vous renverra dans mon cabinet. » Nous sommes dans le jumeau numérique du cabinet d’avocats spécialisé dans le droit de la famille, PacisLexis Family Law.
Antoine Bert y est directeur stratégique. Utilisation de l’application de messagerie instantanée WhatsApp pour favoriser les échanges entre avocats et clients, mise à disposition d’un service client pour traduire, hors consultations, le jargon juridique ou même outil IA pour calculer en temps réel le montant d’une pension alimentaire ou d’une prestation compensatoire : l’approche du cabinet est déjà quelque peu innovante. L’entreprise squatte désormais un métavers composé principalement de bureaux virtuels, Lemverse, l’espace imaginé et développé par la startup Lemlist.
Même dans le métavers, la trêve du vendredi soir
Dans le lobby du cabinet virtuel, sur le tapis s’étale un « bienvenue ». En passant, le client déclenche un formulaire Typeform qui permet de récupérer les données du client à son arrivée (nom, adresse mail, numéro de téléphone). Au centre, un large open space que se partagent les employés. « À cette heure-là, beaucoup sont déconnectés », s’amuse Antoine Bert. Nous sommes effectivement un vendredi, quelques minutes après 19 heures. Les avocats apprécient eux aussi la trêve du vendredi soir. Plus loin, une salle de conférence ; à droite, une salle de musique. En passant devant un instrument, une image surgit. En cliquant, un titre hébergé sur YouTube joue. « La seule limite, c’est notre imagination. »
Outre ces espaces, chaque avocat dispose d’un bureau. « Les bureaux personnels servent par exemple à la tenue de conférences en ligne plus confidentielles. » Ils sont aussi programmés en fonction des besoins de chaque avocat. À l’entrée du bureau de la fondatrice, Maître Héloïse Kawaishi, s’enclenche un type de conférence avec « une fenêtre plus grande, la possibilité de faire des sondages, de partager son écran ». Quand une troisième personne entre, elle se joint directement à la conversation. Dans le bureau d’Antoine Bert, une fenêtre indique un appel, avant d’autoriser la participation à la visioconférence.
Le virtuel pour animer le travail hybride
Pour les clients, l’outil se révèle utile. Il est proposé à qui le souhaite. L’ambiance du bureau virtuel, explique Antoine Bert, est volontairement rétro : « Ça ressemble un peu à Pokémon. Les gens peuvent facilement être tendus. Le droit de la famille relève de sujets graves ; ce n’est pas simple. Le rétro peut apaiser. » Et il apaise aussi la relation client, poursuit le directeur stratégique. « Même si l’avocat n’est pas disponible, il y aura toujours quelqu’un pour répondre. Et le client voit bien l’avatar de l’avocat ou pas, ça rassure ». Les clients qui disposent du lien peuvent débarquer à leur guise. « Mais c’est simplement un outil de plus à leur disposition. »
« Il y a quelques mois, nombreux étaient ceux qui ont eu le Covid ; un outil tel que celui-ci permet de communiquer, de garder un esprit, une vie au cabinet. » Le matin et le soir, les avatars s’agitent pour se saluer. Le métavers se révèle également « utile pour remplacer les Zoom ou Meet qui nécessitent l’envoi de liens de visioconférence, ou la multiplication d’outils de messageries instantanées à usage professionnel ».
Dans le cas des fonctions plus transverses, des espaces virtuels ont également été mis à disposition. « Par exemple, on développe en ce moment une tech autour de la question de la pension alimentaire. On a une équipe dédiée de développeurs informatiques. Actuellement on est en phase de debunk, la communication est directe. Pas besoin de faire un mail juste pour dire qu’il y a un bug technique. » En somme, un peu comme Slack, mais sans les alertes sonores.
Un secteur en retard
« Nous sommes les premiers dans le secteur juridique à nous lancer dans le métavers », déclarait fièrement Antoine Bert en début d’entretien. Il y a effectivement de quoi se gargariser.
En retard avant la crise sanitaire, les cabinets d’avocats ont dû, comme d’autres secteurs, se tourner massivement vers le numérique. Une accélération qui vient à point nommé : d’après un rapport de l’éditeur informatique Wolters Kluwer publié en 2020, seuls 28 % des professionnels du droit interrogés estiment leur cabinet suffisamment préparé aux nouvelles technologies.
Un an plus tard, l’édition 2021 de la même enquête met en lumière le besoin grandissant en solutions technologiques : 80 % des avocats interrogés déclarent une dépendance grandissante aux nouvelles technologies en raison de la pandémie et l’appellent même leur nouvelle normalité. « Une majorité des professionnels du secteur considère la transformation numérique et les technologies comme des moteurs clés de l’amélioration future des performances, de l’efficacité et de la productivité », peut-on encore lire.
Au-delà du secteur juridique, finira-t-on tous dans un univers de travail hybride à utiliser des métavers simples comme celui de Lemlist pour échanger entre collègues en cas de télétravail, ou tout simplement pour ouvrir les portes virtuelles de son entreprise à ses clients ? L’avenir nous le dira.
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