Des arbres et un lac
© Dave Hoefler

À l'aube de la COP26 et de l'entrée en vigueur de la taxation verte, à quel curseur peut-on placer la responsabilité des entreprises ? Comment celles-ci peuvent-elles trouver leur place entre réglementation, pérennité et conscience environnementale ? Une réponse apportée par Corinne le Caignec, responsable RSE au sein de l'entreprise kShuttle.

+1,5°C de réchauffement climatique, un seuil bientôt dépassé ?

Selon le GIEC, la température moyenne a augmenté de 1,1°C depuis le début de l’ère industrielle, et une augmentation de 1,5°C pourrait être atteinte dès 2030. Et cela, alors que la majorité des États ont ratifié l’Accord de Paris en 2015, visant à « contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C ».

Quel rôle ont à jouer les entreprises dans la lutte contre le changement climatique ?

Alors que la cause humaine du réchauffement climatique n’est plus remise en doute par les scientifiques, se pose la question de la part d’effort à fournir par les différents types d’acteurs : états, collectivités, consommateurs, entreprises, investisseurs, etc. Parmi eux, les entreprises ont un rôle clé à jouer dans la lutte contre le changement climatique, même si toutes n’ont pas la même intensité carbone.

Des réglementations visant à responsabiliser les entreprises

Depuis quelques années maintenant, le régulateur français semble vouloir inciter les entreprises à reconnaître leur rôle dans la lutte contre le changement climatique. Dès 2012, il a exigé des entreprises de plus de 500 salariés la publication d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES réglementaire). En 2015, ce premier exercice a été suivi par un nouvel encadrement, qui ne visait cette fois-ci pas directement les entreprises, mais qui in fine les embarquait. L’article 173-VI de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (TECV) exige en effet des investisseurs qu’ils publient désormais l’empreinte carbone de leur portefeuille. Les sociétés d’investissement, au travers de leurs décisions, permettent bien le fléchage des financements ; elles impulsent un signal aux entreprises et permettent d’orienter l’économie vers des activités moins carbonées.

L’empreinte carbone faisant désormais quasi systématiquement partie des critères de notation ESG (environnementale, sociale et de gouvernance), les entreprises ont tout intérêt à réaliser et à présenter une bonne performance carbone afin de ne potentiellement pas être exclues de l’univers d’investissement de certains acteurs financiers.

De plus, les bénéfices associés à l’évaluation de l’empreinte carbone ne se limitent pas à la décision d’investissement. Ils sont indispensables au déploiement des stratégies d’engagement des investisseurs les plus engagés qui cherchent à promouvoir les bonnes pratiques au sein de leur portefeuille d’investissement et incitent les entreprises à réduire leurs émissions de CO₂.

Les limites de l'approche réglementaire et de l'empreinte carbone

Malgré ce cadre réglementaire existant, de nombreuses entreprises parviennent encore à s’extraire de l’obligation de publier un bilan carbone. En outre, le bilan GES n’est exigible que tous les 4 ans. Ce qui rend les exercices de comparaison ou de consolidation de bilans carbone difficile – notamment pour les investisseurs.

Autre limite : dans l’absolu, l’empreinte carbone seule ne permet pas à une entreprise de tirer les enseignements nécessaires à la compréhension précise de ses impacts et à l’identification des leviers d’action de progrès. Elle se révèle surtout pertinente lorsqu’elle est comparée, ou ramenée à d’autres indicateurs d’activité.

Le besoin de nouvelles méthodologies et outils de mesure

À l’heure où il s’agit de réduire rapidement les émissions et de s’aligner sur les 2°C, cette approche ne suffit plus. Les indicateurs d’un bilan carbone n’offrent que des photos à un instant T, alors que ce sont les trajectoires qui importent. Plusieurs organisations, comme l’Agence Internationale de l’Énergie, développent régulièrement des scénarios modélisant les efforts à fournir afin de rester en dessous des seuils critiques du réchauffement climatique. Pour cela, des « budgets carbone » ou encore des quantités maximales d’émissions carbone acceptables, sont définis pour chaque secteur d’activité, voire pour chaque entreprise, en fonction de leur secteur et de leur chiffre d’affaires.

En suivant ce type d’approche, il est aujourd’hui possible de vérifier si une entreprise dépasse ou non son « budget carbone », soit à un instant T, soit dans le futur. Des méthodologies poussées comme PACTA, vont jusqu’à analyser les plans de production des entreprises dans les secteurs les plus émetteurs. Ainsi, lorsqu’une entreprise du secteur énergétique prévoit d’augmenter ses capacités en énergies fossiles ou renouvelables dans les cinq ans à venir, il devient possible d’anticiper sa trajectoire carbone et d’étudier son futur alignement avec un scénario 2°C.

Défis pour les entreprises

Aujourd’hui, ces approches par scénarios souffrent encore certainement d’un manque de standardisation, mais l’essentiel reste que les entreprises, à l’issue de ces exercices de projection, se fixent des objectifs de réduction. En outre, les entreprises doivent être attentives à ce que ces objectifs soient cohérents avec leurs objectifs financiers et / ou leurs plans de production.

Et pour ce faire, les entreprises peuvent difficilement se passer d’outils de pilotage de la performance. Ces derniers leur permettent de suivre elles-mêmes les progrès réalisés, mais également d’être capables de les communiquer, à l’heure où les réglementations exigent toujours plus de transparence des entreprises sur les enjeux climatiques.

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