
Les nouveaux business de l’argent veulent changer l’image de leur secteur, en prenant des directions tous azimuts.
Les Kings de l'économie casino
L’image qu’ils veulent corriger : la complexité
Qui s’y colle ? : Les applis pour tradeurs amateurs comme Robinhood et eToro, et celles entièrement dédiées aux achats et ventes de cryptomonnaies comme Binance et Coinbase.
Combien pèsent-ils ? En avril 2021, Robinhood et Coinbase – qui faisait une entrée fracassante en Bourse le même mois – occupaient les deux premières places du podium de l’App Store aux États-Unis normalement tenues par TikTok et Instagram. En France, c’est Binance l’appli de trading la plus téléchargée au premier trimestre 2021, selon App Annie, avec 335 000 téléchargements, en hausse de 650 % par rapport à la même période l’an dernier.
Comment s’y prennent-ils ? Ces applications rendent l’investissement facile comme un jeu. En quelques clics, il est possible de créer un compte, d’investir sans frais d’entrée (mais il y a une commission sur les transactions), parfois sans montant minimum. Certaines rendent même la chose sociale. Sur eToro, les 20 millions d’utilisateurs peuvent suivre d’autres investisseurs et copier leur portefeuille. Un espace est aussi réservé aux commentaires des actualités boursières. Les actions « tendance » sont mises en avant, jouant sur le sentiment de Fomo, la peur de rater quelque chose, chez les boursicoteurs en herbe. Robinhood va même jusqu’à féliciter ses utilisateurs lors de leur première transaction sur la plateforme. Les plateformes de trading n’hésitent pas à les encourager à aller vers des produits financiers risqués, qui peuvent leur faire gagner gros, et perdre autant. D’où le nom « économie casino » donné à cette nouvelle manière de spéculer. Après l’euphorie des marchés haussiers, les bébés loups de Wall Street traversent leur premier krach..., et ça fait mal.
Les néobanques pour ado
L’image qu’elles veulent corriger : la ringardise
Qui s’y colle ? Xaalys, Kard, PixPay, Vybe, Zelf, Revolut Junior... En à peine deux ans, une petite dizaine de fintechs à destination de la Gen Z, les moins de 25 ans, se sont lancées en France. La plupart sont basées sur un modèle mêlant carte de paiement et application de pilotage de budget contre un abonnement de 2 ou 3 euros par mois pour certaines, gratuitement pour d'autres.
Combien pèsent-elles ? En avril 2021, Vybe cumulait plus de 375 000 téléchargements. Fin 2020, Kard se félicitait d’avoir atteint le million de transactions réalisées via ses services et notait une très forte accélération depuis l'apparition de la pandémie.
Comment s’y prennent-elles ?
Elles veulent réussir là où les banques tradi ont échoué : parler aux adolescents, dont le rapport à l’argent serait décomplexé, dixit ces nouveaux acteurs du secteur. Pour la néobanque Vybe, cela passe par une communication zélée sur TikTok, des tarifs préférentiels chez Burger King et autres marques plébiscitées par les Z. PixPay, un service concurrent, mise quant à lui sur une interface « gamifiée » où les parents peuvent donner des missions à leurs enfants – faire la vaisselle, tondre la pelouse – avec versement automatique à la clé. « On veut dédramatiser la banque, on n’utilise pas de vocabulaire spécifique, mais des mots simples. Notre volonté, c’est que les ados se disent que c’est cool d’avoir Vybe », résume Vincent Jouanne, l’un des jeunes (24 ans) cofondateurs de Vybe.
Les zélés de la transparence
L’image qu’ils veulent corriger : l’opacité
Qui s’y colle ? Le Yuka de la finance Rift, lancé par Lita.co, les newsletters pédagogiques comme Snowball.
Combien pèsent-ils ? Quatre mois après son lancement, Rift comptait 28 000 utilisateurs. Snowball, la newsletter pédagogique, regroupait plus de 14 500 abonnés en juin 2021.
Comment s’y prennent-ils ?
Sur l’application Rift, l’utilisateur peut « scanner » son épargne en renseignant ses divers placements. Le but : mesurer l’impact environnemental et social de son argent. Le diagnostic lui est donné sur un graphique camembert. Il indique quelle part de son épargne finance des logements, des PME, des grandes entreprises, mais peut-être aussi des produits financiers complexes, souvent décorrélés de l’économie réelle. L’outil reste agnostique, aucune note n’est attribuée. En revanche, il est possible de savoir vers quels placements s’orienter selon ses valeurs. « C’est un gros travail de récolte de données, explique Eva Sadoun, cofondatrice de Lita.co, l’entreprise propriétaire de Rift. Si Yuka bénéficie d’une base de données en open source pour les données nutritionnelles, c’est loin d’être le cas du monde bancaire », explique l’entrepreneure, qui milite pour une finance plus transparente et souhaite faire de chaque utilisateur un activiste financier. Car les informations obtenues grâce à Rift peuvent lui servir à solliciter ses banques et faire évoluer les produits de celles-ci. Comme Yuka l’a fait pour l’industrie agroalimentaire. Cette figure de la fintech verte se définit à l’opposé du mouvement cryptospéculatif et des applications à la eToro. « C’est la finance décorrélée du monde réel que je combats chaque jour », explique-t-elle.
La finance éthique
L’image qu’elle veut corriger : la diabolisation
Qui s’y colle ? Les néobanques vertes comme Green-Got et Helios, les plateformes d’investissement « à impacts » comme Lita.co et WEDOGOOD.
Combien pèse-t-elle ? Helios, l’une des premières banques vertes à se lancer en France, en février 2021, cumulait un peu plus de 3 000 clients fin juin 2021. Lita.co, la plateforme de crowdinvesting, a permis de lever 70 millions d’euros depuis sa création en 2017.
Comment s’y prend-elle ?
Pour les pionniers de la finance éthique, l’argent est un outil qui peut financer des causes vertueuses : la transition écologique, l’égalité… Ils veulent prendre le contre-pied des banques traditionnelles, comme BNP, la Société Générale et le Crédit Agricole, qui seraient selon Oxfam les trois entreprises françaises les plus polluantes, devant Total. En cause : leurs choix d’investissements. Helios promet à ses clients de verdir leurs portefeuilles. Leurs dépôts ne financent, assure-t-elle, aucune activité nocive pour l’environnement. Ils servent notamment à financer des centrales photovoltaïques.
En parallèle des banques vertes, des plateformes dites de « crowdinvesting » comme Lita.co et WEDOGOOD permettent aux investisseurs particuliers d’investir dans des projets de leurs choix : des PME locales, des startups à impact, des projets immobiliers durables… La Compagnie des Amandes, qui veut relocaliser une partie de la filière amandière en France, a par exemple été financée à hauteur de 2 millions d’euros par des particuliers en quelques heures via Lita.co.
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