
Du 16 au 18 janvier derniers, le grand rendez-vous annuel des retailers à New York, le NRF, a bien eu lieu. On a demandé à Mike Hadjadj, fondateur de Iloveretail.fr, ce qu’il a retenu de cette édition.
Mike Hadjadj est un habitué du NRF. « C’est ma douzième ou treizième édition d’affilée, je crois ». Il y accompagne la délégation française retail de la French Tech. Pour acculturer les retailers français, il organise depuis quelques années aussi une série de learning expeditions à travers le monde. Quand on lui demande ce qui l’a particulièrement marqué, il nous parle d’abord du vide des couloirs du NRF. Le salon qui accueille d’ordinaire jusqu’à 35 000 retailers chaque année n’a, semble-t-il, convaincu que quelques 5000 visiteurs. « Forcément, le panorama des tendances est un peu biaisé », tempère-t-il. Entretien.
L’ADN Business : Outre le peu de fréquentation, qu’est-ce qui vous a frappé en premier lieu lors de cette édition du NRF ?
Mike Hadjadj : La première tendance qui m’a sautée aux yeux, c’est tout ce qui tourne autour des métavers, des NFT et des cryptomonnaies. Les retailers sont sur le sujet. Ils avaient tous des initiatives très concrètes à présenter. C'était assez impressionnant. Un mouvement qui est confirmé par une étude de Visa qui révèle qu'aux États-Unis, 1 petite entreprise sur 4 s'apprête à accepter les paiements en cryptomonnaies. Une autre étude prospective de PWC évalue qu'en 2030, plus de 1500 milliards de dollars pourraient être dépensés chaque année sur les métavers. Et enfin, Business Insider relève que 38 % des Gen Z et 48 % des Millennials pensent que les métavers feront partie de leur quotidien dans les 10 prochaines années. Et il y aurait déjà presque un tiers des consommateurs américains (31 %) qui déclarent avoir une idée de ce qu’est le métavers.
Avez-vous en tête des exemples concrets ?
Walmart se prépare et a déposé un certain nombre de nouvelles marques dédiées au monde virtuel. L’enseigne a créé des collections de NFT et envisage d’avoir sa propre cryptomonnaie. Il y aura toute une gamme d’univers de produits : électronique, maison, déco, jouets, sport, care. Ça va très loin. À terme, pour la marque, l’ambition est de faire le pont entre monde virtuel et futurs achats physiques. Et vice versa, à savoir comment le monde physique va générer des achats dans le monde virtuel.
Balenciaga a aussi lancé des collections qu’on retrouve en réel comme sur les métavers…
Oui, il y a eu beaucoup d’initiatives en ce sens. On peut citer l’exemple des cognacs Hennessy qui ont mis en vente deux flacons (pensés comme des œuvres d’art, ndlr) avec un double numérique à chaque fois. Ces deux NFT ont trouvé acquéreur pour 200 000 euros. Ralph Lauren a proposé une collection exclusive avec des looks personnalisables et Vans a reconstitué sur Roblox les skateparks les plus reconnus dans le monde. À côté de chaque skatepark se trouve un magasin d’articles et accessoires de skate. Adidas a accéléré sur le sujet. La marque est en train d’investir 1 million et demi d’euros sur The Sandbox pour acquérir des parcelles virtuelles, sur lesquelles les clients Adidas pourront acheter des produits numériques dans l'univers de The Sandbox. En tout cas, ce sont plus de 20 000 produits (et NFT) qui vont être conçus. Et enfin, ce que fait la Fondation Yves Rocher est assez original : pour promouvoir la biodiversité, elle s’est engagée pour chaque arbre planté sur Minecraft à en planter un dans le réel. L’objectif est d’atteindre les 100 000 arbres plantés.
Et vous avez dû voir l’incroyable rachat de RTFKT (fabricant de baskets virtuelles, ndlr) par Nike en décembre 2021. C’est une startup qui a été fondée en 2020. En mai 2021, elle a levé 8 millions d'euros. En un an, elle est passée d’un revenu de 600 000 dollars sur 2020 à un chiffre d’affaires mensuel de 4,5 millions de dollars.
Peut-on parler de réelles opportunités business ou d’un simple effet de mode ?
Les opportunités sont réelles, qu’elles soient d’ordre business ou d’image, ou qu'il s'agisse de créer des liens avec sa communauté. Quand Hennessy vend deux flacons virtuels à 200 000 euros chacun, c’est du business ! Les marques savent qu’elles sont attendues par une génération qui passe du temps sur les métavers. Certes, Walmart est un peu en avance par rapport à sa clientèle. Vans est pile-poil dans le timing. Mais globalement, ça bouge de manière colossale.
La startup française Exotec qui développe des robots destinés aux entrepôts a été valorisée à 2 milliards de dollars et a donc rejoint le club des 25 licornes. Elle était présente au NRF et traduit une autre tendance, dites-vous, celle de l’automatisation.
Oui, Exotec faisait d’ailleurs partie de la délégation française, présente au NRF. Effectivement on observe de grandes avancées technologiques en matière de logistique, d’entrepôts robotisés et de livraisons autonomes. On a pas mal vu se développer des microfulfillment centers, des mini-entrepôts en centre-ville qui s’automatisent pour être en mesure de livrer en moins de dix minutes. Ce sont un peu comme des relais. Kroger vient d’annoncer que démarraient les livraisons autonomes au Texas, grâce à des petits véhicules électriques.
Autre versant de l’autonomie : il y a de plus en plus de magasins « autonomes ». À New York, les Amazon Go se sont développés. Je pense notamment au partenariat entre Starbucks et Amazon Go. J’ai pu voir à New York le premier magasin qui expérimente l'identification avec la paume de la main, sans que le client ait une application Amazon. Il peut s’identifier et régler en passant sa main, sans sortir son téléphone.
On a également beaucoup entendu parler de live shopping, non ?
Le live shopping, c'est très étonnant. C’est une tendance qu’on n'a jamais vraiment vue au NRF. Il y a deux ans, on n’en parlait pas. C’était un phénomène chinois. Ça a commencé à arriver à partir de mars 2020 aux États-Unis, et en France. Finalement, c’est quasi devenu une commodité. C’est déjà du passé, avant même d’avoir été une tendance. Aujourd'hui, il n'y a pas une enseigne qui ne soit avancée sur ce sujet du live shopping.
Une dernière tendance pour la route ?
Cette année au NRF, j’ai vu un certain nombre d’applications de réalité augmentée et virtuelle, notamment les « shopping mirrors », les cabines d’essayage intelligentes. Ça existe depuis quelques temps, mais jusqu’à présent, c’était encore un peu gadget. On commence à avoir des choses intéressantes. Par exemple, Puma a mis en place une installation en magasin assez bluffante, un miroir vraiment connecté.
Et enfin, c’est dommage, mais autant sur le NRF 2021 qui était virtuel, il était beaucoup question de développement durable. C’est une préoccupation qui s’est un peu perdue en route.
Participer à la conversation