Metavers

Métavers : « C’est encore le bon moment pour les marques d'explorer »

© metaverse.jpg

Le métavers crée de nouvelles opportunités pour les marques, de plus en plus nombreuses à investir les univers virtuels pour attirer de nouveaux publics. Le moment pour elles de travailler avec les métavers pour imposer un soupçon de leur patte. Interview.

Pas une journée ne se passe sans qu'on lise l'arrivée d'une marque sur un métavers. Dans une précédente interview, Stéphane Galienni de l'agence Balistik Art racontait comment les marques de luxe œuvrent sur les univers virtuels, et détaillait leur approche. Nous avons cette fois-ci demandé à Richard Malterre, responsable de l’offre Gaming de Landor & Fitch, une agence de stratégie et de transformation de marque rattachée à WPP, quelles sont les opportunités pour les marques qu'il accompagne. Pour lui, c'est sûr : les métavers sont encore à leur stade embryonnaire, les marques ont leur carte à jouer pour imposer leur style aux plateformes du Web3. Entretien.

Que ce soit au NRF, au SXSW plus récemment, ou le 24 mars 2022 à la Fashion Week virtuelle sur Decentraland, nombreuses sont les marques à se ruer sur les métavers. Vous êtes habitué à accompagner les marques dans leur digitalisation. Le métavers est-il vraiment accessible à toutes les marques ?

Richard Malterre : Oui, à condition de le faire avec une certaine forme de réflexion. Aujourd’hui, quand on parle de métavers, on fait essentiellement référence à l'univers du jeu vidéo à vocation sociale. Fortnite, Minecraft ou Roblox peuvent être considérés comme des phases embryonnaires de métavers. C'est essentiellement dans ces univers que les marques peuvent pour l'instant expérimenter. C'est le cas de marques comme Nike, Balenciaga, Louis Vuitton ou Burberry qui font déjà du business dans le métavers. Si aujourd’hui, je suis une marque, il y a forcément un univers, un jeu vidéo dans lequel je peux m’insérer en fonction de mes valeurs.

Tous les secteurs peuvent-ils investir le métavers ?

Il y a des inégalités. Tous ne s’y prêtent pas forcément mais dans le fond, rien n'est interdit ni impossible. Il faut parfois réajuster et redescendre à des niveaux plus instinctifs. Les produits techniques s’y prêtent plutôt bien.

On parle beaucoup de B2C ou de B2B mais une marque, c’est aussi un univers corporate. On voit apparaître avec Facebook ou HTC des métavers d’entreprise qui deviennent de nouveaux outils de collaboration. Tous ces univers participent à la manière de tester le métavers. L'avantage avec les outils internes, c'est de pouvoir tester sans forcément s’exposer au public.

Horizon Worlds, projet de métavers de Facebook

Le métavers est un énième champ à conquérir pour les marques, mais aussi pour les agences. La tâche se complexifie pour vous, non ?

Il est important d’analyser les marques, de savoir à quel moment de leur vie elles sont, sur quoi elles s’appuient, quelles sont leurs valeurs. Tout doit se faire au scope de la marque pour qu’elle soit toujours en cohérence avec sa stratégie, son ADN et son identité.

Si on prend l'exemple de Louis Vuitton avec League of Legends, on a l'exemple type de la marque qui a su trouver le bon angle d'attaque pour entrer en adéquation avec une communauté, tout en restant cohérente avec son identité de marque de luxe. Lors de leur première collaboration, la maison Louis Vuitton a habillé des héros du jeu vidéo et surtout imaginé une malle pour abriter le trophée tant convoité de la finale des Mondiaux de League of Legends.

Cet événement a connu un pic de 4 millions de spectateurs. Une belle caisse de résonance pour la marque. Cette collaboration a été perçue comme une reconnaissance par la communauté e-sport du jeu. Les retours ont été très positifs. Dans la foulée, la marque a pu capitaliser sur l'attachement créé pour proposer une collection capsule.

Pour l'heure donc, les marques évoluent sur des métavers au stade embryonnaire qui se déploient surtout dans les jeux vidéo. Où voyez-vous le deuxième stade ?

Demain, on retrouvera les marques sur des univers virtuels à vocation sociale, comme Decentraland ou Sandbox qui sont encore en phase de test – rappelons-le, et qui sont des héritiers de Second Life. Dans ces univers, les utilisateurs peuvent se créer une personnalité numérique et avoir une vie alternative. Ici, la question pour les marques se pose plus en termes d'expériences. Il n'y a pas de no go, il faut expérimenter.

Ce qui est intéressant est qu'aujourd'hui, ces univers virtuels ont besoin des marques pour gagner en crédibilité. Quand Balenciaga arrive dans Sandbox, ce n'est pas tellement Balenciaga qui devient une « marque dans le coup », mais Sandbox qui peut se vanter d’avoir été capable de séduire Balenciaga. C’est donc le bon moment pour les marques d'explorer, car il y a une forme d’égalité entre les plateformes et les marques qui ne va pas durer. Une fois que les plateformes auront gagné en puissance, les marques ne seront plus que des followers en recherche de publicité. Elles ont donc une carte à jouer, maintenant, en venant expérimenter et prendre leur place.

Après les Roblox et Decentraland, quelles formes prendront les métavers 3.0 ?

Je crois qu’on se dirige davantage vers des univers mixtes que vers un scénario à la Matrix. La réalité mixte va permettre à des éléments du virtuel d'occuper une place dans le réel. On peut déjà en voir quelques prémices avec des jeux comme Pokémon Go ou la paire de lunettes de Microsoft HoloLens. Mais attention, dès lors qu'on va commencer à mélanger les deux univers, il risque d’y avoir des chocs cognitifs !

Les jeunes générations commencent déjà à mixer ces deux réalités. Pour les joueurs de Fortnite, acheter des pas de danse ou des vêtements dans leur jeu favori est autant, voire plus important qu'un achat dans le monde réel. Ces environnements sont de véritables sources de lien social. Ils y retrouvent leurs amis de la même manière que notre génération se retrouvait autour d’un billard ou d’un jeu d’arcade. Ce sont de vrais moments partagés, des expériences, qui ont un effet sur leur réalité.

Après-demain, il y a aussi de grandes chances pour que nos enfants à l’âge adulte trouvent plus logique de payer avec une cryptomonnaie qui ne demande pas de banque, pas de frais particuliers et qui est assez fluide pour être utilisée aussi bien en réel qu’en virtuel. C’est d'ailleurs pour cette raison que des marques comme Visa ou Mastercard y viennent. Ça signifie qu’il y a de réelles opportunités économiques et créatives qui s’amorcent. Google aussi l'a bien compris et s'apprête à ajouter des cryptomonnaies à Google Pay.

De la même manière que des marques se sont d'abord créées en ligne (les DVNB), existe-t-il des marques qui se développent d'abord dans le métavers ?

Oui, il y a des marques qu’on peut qualifier de « Web3 natives » . Elles sont essentiellement drivées par les écosystèmes NFT. L'exemple le plus marquant reste celui de la société RTFKT qui a été rachetée par Nike il y a quelques semaines. Cette marque a eu suffisamment de succès dans les univers virtuels pour susciter l’intérêt de Nike.

Il y a aussi les marques Dress X ou The Fabricant qui sont des plateformes de mise en vente de biens virtuels. Avec Dress X, on se situe au niveau d’un Zara +, avec des vêtements virtuels aux alentours de 100 euros face à un The Fabricant qui relève de la haute couture avec des robes aux alentours de 10 000 dollars.

Les NFT sont le produit et le metaverse est l’expérience. Il est nécessaire que les marques proposent de vraies expériences et des contenus. Planter son drapeau dans un métavers ne sera pas suffisant. C'est donc le moment de se lancer, de ne pas être trop timide parce que les champs d'expérimentations et d’explorations sont nombreux. Il ne faut pas oublier qu'en somme, Sandbox n'a été ouvert que quelques mois pour des phases de test. Et pourtant on parle déjà de milliards de dollars de valorisation !


commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire