
Décarbonation de l’économie, marque employeur, engagement sociétal… Voici les sujets abordés à Talents for the Planet, le salon des formations, des métiers et de l’emploi des transitions écologiques qui a eu lieu le 11 mars 2022 au Parc Floral de Paris. Nous sommes allés à la rencontre des acteurs du changement écologique de demain.
Aujourd'hui, alors que des agences de redirection écologique telles que vingt et un vingt deux font état de l’urgence environnementale et accompagnent les entreprises dans des projets durables, quels impacts aura la décarbonation sur le marché de l’emploi ? Pour y répondre, à Talents for the Planet, on s’attelle à ébaucher à quoi ressemblerait une transition écologique concrète. Qui sont les acteurs et quels sont les enjeux concrets de ces métiers de la reconstruction écologique ? Loin des discours entachés de greenwashing, les intervenants du forum ont tenté d’apporter des éléments de réponse.
Acculturation à de nouveaux métiers
Dans l’accélération de la transition écologique, l'évolution du marché du travail vers des économies plus vertes et plus durables est une étape évidente. Face à la dissonance entre le développement économique et la situation environnementale, l'adaptation de nos compétences s'inscrit pleinement dans la durabilité de ces nouveaux emplois verts.
Par exemple, à la Paris School of Impact, un master de Management opérationnel du développement durable, ouvert à des étudiants de Bac+3 ou des professionnels en réinsertion forme aux métiers verts. Dans cette école, créée à l'initiative de l'agence de transformation digitale et think tank HUB Institute, cette formation qui sensibilise aux enjeux d'une croissance durable passe par l’intégration d’un nouveau lexique autour de la transition écologique et par un enseignement pluridisciplinaire qui s'articule autour du management du développement durable et de l’impact.
Entre feuille de route RH, calcul de l'empreinte carbone et compensation, ou encore utilisation de l'IA pour une logistique plus vertueuse, les débouchés sont vastes : chef de projet économie circulaire, chargé de communication en développement durable ou encore responsable de projet RSE. Ainsi, pour Vincent Ducrey, président de l'école, au-delà des fonctions liées à la RSE, « c’est un ensemble de métiers qui doit appréhender, maîtriser et implémenter les enjeux durables ».
À l'heure où l'éco-anxiété touche environ 85 % des 15-30 ans selon Véronique Lapaige, médecin-chercheur en santé publique et en santé mentale, la popularité de cette formation s’inscrit dans l'intérêt grandissant des salariés pour les enjeux environnementaux et sociétaux. En effet, une enquête réalisée en 2018 par le cabinet de conseil Deloitte rapporte que 77 % des répondants appartenant à la génération Z avaient déclaré qu'il leur était important de travailler pour des entreprises dont les valeurs étaient en phase avec les leurs.
Le HUB Institute n’est pas le seul à avoir lancé sa propre formation axée green. En septembre 2022, l’ESSEC et l'université de Cergy ouvriront leurs portes aux élèves du Bachelor ACT, une nouvelle formation Bac+3 visant à former des futurs chefs de projets au service des transitions écologiques, citoyennes et sociétales. Veolia de son côté, également présent au forum, propose Campus Veolia, où l'on peut se former à la gestion durable et responsable de l'eau potable ou encore à la valorisation des déchets et l'optimisation énergétique.
Les tensions du marché
Pourtant en hausse, les formations à « fibre » écologique sont encore à démocratiser et les demandeurs d'emploi formés de manière appropriée sont en minorité. Pourtant, les opportunités ne manquent pas. Début mars 2022, le cabinet du contrôleur financier de l'État de New York Thomas DiNapoli publie une analyse de la croissance des emplois verts et du potentiel de croissance de son secteur. On y apprend qu'entre 2015 et 2019, la proportion d'emplois verts aurait augmenté de 13,2 %, soit plus de deux fois plus que le nombre d'emplois non verts – n'augmentant que de 6 % sur la même période.
Face à cela, Guillaume Jourdon, cofondateur d'Oméva, un cabinet de recrutement engagé, constate des tensions sur le marché. Pour y remédier, Oméva dirige ses clients vers des métiers à compétences transposables : chef de projet photovoltaïque, responsable d'exploitation, analyste en climat ou encore consultant en finance durable. Guillaume, lui-même issu du secteur de la finance, nous explique qu'en créant Oméva, son objectif était de « transposer son expertise dans un modèle économique plus responsable ». En modifiant les compétences de professions existantes pour en occuper d'autres, l'équipe de recrutement permet ainsi d'amortir la transition sociale, « aussi essentielle que celle écologique », insiste Guillaume Jourdon.
Avantages concurrentiels
Une transition sociale nécessaire puisque selon un rapport publié en janvier 2022 par le think tank Shift Project, onze secteurs, soit 4 millions d’emplois en France, seraient directement concernés par la décarbonation. Secteur industriel, automobile, transport ou encore logement, ces derniers feront l'objet de 800 000 pertes d'emplois d'ici 2050.
Pour Matthieu Auzanneau, directeur du Shift Project, tout l’enjeu des métiers verts est d'amener les acteurs de ces secteurs en « danger » à l’échelle de la transition écologique, mais aussi de « faire face à des alternatives grâce à des transformations transsectorielles ». En effet, pour ce spécialiste en énergie, la transition écologique ne doit pas être vue comme une fatalité avec des destructions d'emplois à tout va mais comme « une opportunité de transformer certains secteurs qui courent à leur perte ».
Enfin, afficher un engagement dans les sujets environnementaux est une véritable aubaine pour les entreprises. Au-delà de la marque employeur, Jacques Triponel, délégué régional Grand Est à l'APEC et Julien Vidal, auteur du podcast éco-citoyen « Ça commence par moi », s'entendent pour dire que les labels RSE sont des critères d'interêt majeurs qui offrent aux entreprises un avantage concurrentiel leur permettant de se distinguer et se développer dans de nouveaux marchés. Pour preuve, une étude menée par deux chercheurs sur une PME alimentaire autrichienne a montré qu'avec l'implantation d'une stratégie de développement durable, cette dernière a fini par détenir 31 % de parts du marché de la vente de détail de produits alimentaires du pays.
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