
Alors qu’elle a réduit de 60 % son utilisation de produits phytosanitaires désherbants en dix ans, la SNCF s’aligne aux décisions gouvernementales de supprimer l’usage du glyphosate pour la dévégétalisation de ses rails, dès 2022.
Alternative à la dévégétalisation chimique
Fin décembre, le groupe ferroviaire annonce l’abandon de son usage du glyphosate, un herbicide aux effets nocifs pour la santé, dans la dévégétalisation de ses voies. La SNCF compte ainsi remplacer le glyphosate par un désherbant contenant 95 % d’acide pélargonique. Cet acide, dit « gras », d’origine végétale est un désherbant naturel qui agit directement sur la plante et non sur les sols. C’est en pénétrant dans les feuilles de la plante ciblée que cet herbicide foliaire dérègle leur multiplication cellulaire et les élimine.
Inoffensif pour les humains et les animaux et ne présentant pas d'effets néfastes directs sur les sols, l’acide pélargonique s’introduit sur le marché comme une alternative écologique au glyphosate. Contrairement à ce dernier, cet herbicide agit aussi sur les mousses et protège les céréales d'intérêt économique (riz, blé, orge, sorgho…) contre les mauvaises herbes.
Alors que le réseau ferré national utilise tous les ans entre 35 et 38 tonnes de glyphosate pour désherber ses 60 000 km de voies et alentours, renoncer à l’utilisation de l’herbicide signifie trouver des alternatives écologiques et durables. De plus, la question du défi environnemental de la SNCF est au cœur des politiques de maintenance puisque l'enjeu de la sécurité des voies touche la régularité des trains.
Une alternative onéreuse
Hormis ses effets durables, l’acide pélargonique ne présente pas que des avantages. En effet, ce dernier a une action d’une durée maximale de trois semaines, face à six semaines pour le glyphosate. Outre sa durée, l’action de l’acide pélargonique est moins efficace que celle de son analogue chimique.
Ces facteurs vont demander de plus grandes quantités de produits et donc entraîner des coûts supplémentaires. Résultat des courses : alors que désherber au glyphosate coûtait 30 millions d’euros par an à la SNCF, la dévégétalisation à l’acide pélargonique élèverait la facture à 140 millions d'euros par an. Ces frais devraient être, pour l’heure, pris en charge par le plan gouvernemental de relance et de résilience 2021.
En effet, sur les 11,5 milliards d’euros annoncés au transport le 3 septembre dernier, 4,7 milliards seront utilisés en faveur du secteur ferroviaire. Ce budget comprend notamment la rénovation du réseau de fret ferroviaire, la maîtrise de la végétation, la sauvegarde des petites lignes, et la relance des trains de nuit.
Parallèlement aux méthodes mécaniques et chimiques, la SNCF fait appel à l'éco-pâturage pour débroussailler les abords de ses voies difficiles d’accès. En plus d’être en moyenne 30 % moins cher que les autres méthodes, les poneys, chèvres et moutons peuvent consommer jusqu’à 5 kilos de végétation par jour.
Le glyphosate, leader des herbicides européens
La controverse du glyphosate réside dans son caractère cancérogène pour l’Homme. Révélée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2015, la toxicité du produit fait débat. En effet, alors que le CIRC et l’EFSA (l’Autorité européenne de sécurité des aliments) ne sont pas unanimes quant à la nature de ses effets, l’agence sanitaire française (l’Anses) retire du marché plusieurs pesticides en raison de leur possibles effets génotoxiques.
Au niveau européen, le glyphosate est autorisé jusqu’à décembre 2022 ; la France s’est engagée depuis 2017 à en sortir. Alors que le produit est interdit dans les jardins des particuliers et les espaces publics depuis 2019, se défaire de l’usage du premier herbicide vendu au monde est une transition difficile. En effet, la France en épand à elle seule 19 % des quantités européennes, ce qui en fait le premier pays pulvérisateur de glyphosate dans le bloc.
Les efforts légaux interdisant l'herbicide ont, par ailleurs, été ralentis par la difficulté de trouver des alternatives efficaces, durables et économiques. Par ailleurs, un rapport publié en 2020 par le Commissariat Général au Développement Durable révèle que les ventes de glyphosate ont augmenté de 25 % en sept ans (2009-2016).
Le retrait du produit du marché français permettrait d’enlever les facteurs de risques auprès du personnel mais aussi de protéger des populations et territoires agricoles aux abords des voies.
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