
Caisses automatisées, paiement avec la paume de la main ou super apps, Marion Letorey, COO et cofondatrice de KeekOff nous écrit de New York pour raconter son NRF.
C’est à New York que se tient chaque année la grand-messe de l’innovation retail et ecommerce. Depuis 1911, le NRF Big Show rassemble les acteurs du secteur venant du monde entier : grands groupes, startups et analystes. Cette année, Marion Letorey, COO et cofondatrice de KeekOff, l'accélérateur d’innovation durable, y était pour L'ADN et livre ici son rapport d'étonnement.
Après une édition 2021 full digital, 2022 marque le retour de l’esprit effervescent propre aux grands salons – malgré plusieurs retraits de corporates et quelques interventions en distanciel. Un avant-goût de « new normal » pour le secteur du retail, comme celui de l’évènementiel B2B, tous deux durement affectés par la pandémie. Voici notre tour d’horizon des meilleurs insights et innovations, du plus abouti au plus prospectif :
- La carte bleue au bout des doigts : Étape cruciale du parcours client, le paiement est encore une fois travaillé pour être « sans couture ». Amazon innove encore avec la mise en place du paiement palmaire dans les Amazon Go, ces épiceries autonomes et connectées qui promettent un shopping rapide et sans friction. On entre grâce au scan de la paume de sa main, précédemment enregistrée sur son application Amazon ; on se sert dans les rayons, puis on ressort. Rapide et efficace, même plus besoin de sortir son téléphone ou d’interagir avec un écran. Le géant des solutions de paiement Worldline propose aussi cette solution et explore l’authentification par la voix. Des solutions Covid-proof pour une expérience fluide mais qui, de notre point de vue européen, interroge évidemment sur l’accélération du déploiement de la biométrie dans nos vies.
- Les nouveaux dispositifs de caisses automatisées : Déposez et c’est payé ! Avec la startup Mashgin qui a déjà conquis les stades américains, fini les files d'attente pour payer en caisse et les galères de scan des produits. Le commerçant peut gérer sa base de données produits en créant ces nouvelles références en quelques secondes grâce à une modélisation 3D. Le client dépose ses articles sur la plateforme qui les reconnaît instantanément, avant d’utiliser le TPE pour régler avec sa carte bancaire. Une démonstration assez impressionnante d’une technologie mixant intelligence artificielle et scan 3D. À noter que la première employée de la startup n’est autre que l’ingénieure à l’origine de la création du 1er iPad, rien que ça !
- Les robots d’entrepôts : Bien que la NRF ne soit pas une solution d’innovation technologique comme le CES, cette édition a eu son lot de robots. Ces nouveaux acteurs de l’entrepôt viennent soulager les opérateurs et automatiser chaînes de production et préparation de commandes, avec une consommation d’énergie rationnalisée. Les cobots, ces bras articulés, ne sont pas nouveaux : nous avons pu les croiser dans le secteur industriel depuis déjà quelques années, mais en termes d’efficacité et de scalabilité, ces solutions de gestion logistique intelligentes sont désormais moins coûteuses, à partir d’un volume critique de marchandises à gérer. Les startups comme Retail Robotics ou notre nouvelle licorne française Exotec en sont de parfaits exemples.
- L’impact est un long chemin : Chaque startup, chaque corporate, chaque intervenant en parle. Le sujet est bien présent dans les stratégies de développement des acteurs présents sur le salon avec, il faut l’avouer, des degrés de maturité différents. Ecocart propose une double solution, qui repose à la fois sur le consommateur d’une part et le retailer d’autre part. Cette double responsabilité s’incarne dans le paiement d’une compensation carbone. Un premier pas vers une prise de conscience de sa consommation, car associer des achats à un coût d’impact permet de rendre visible le sujet. Toutefois, ne nous y trompons pas : entre reprise business et nécessaire remise en question de nos comportements d’achats, à commencer par une consommation plus raisonnée, le rapport était encore très nettement en faveur de la première…
- Le potentiel de l’abonnement comme nouveau business model : Les abonnements, on connaît. Amazon a ouvert la voie avec Prime pour les secteurs de la grande distribution et des biens de grande consommation. Mais pour les retailers, l’inspiration peut aussi se trouver chez Netflix ou Spotify, notamment en matière de best practices expérientielles… Pour Mitch Joel, l’expert digital, fondateur du cabinet Six Pixels Group et l’un des experts les plus attendus en sa qualité de « décodeur du futur », c’est la garantie d’une stabilité économique grâce aux revenus récurrents et d’une meilleure gestion de la production et des stocks. On rappellera qu’Apple tire désormais 20 % des revenus de ses services, comme le cloud ou le streaming – dont les marges sont d’ailleurs très intéressantes. En France, Monoprix vient d’ailleurs de s’y mettre, avec l’offre Monopflix, qui ne cherche visiblement pas à dissimuler la source de son inspiration, avec ce mot-valise à la sonorité entendue.
- Les « super apps » sont-elles la brique manquante pour atteindre l’omnicanalité ? En Asie, les super apps, ces applications mobiles « couteau suisse » qui intègrent de nombreuses fonctionnalités, cartonnent. WeChat est la plus connue. Leur succès est dû à leur capacité à maintenir un lien permanent avec le client, en termes de confiance et de fidélisation, sur Internet ou IRL. Le paiement, natif et centralisé, fait partie intégrante de l’usage. Même si en Occident aucun équivalent n’a émergé, le modèle continue d’inspirer ceux qui s’intéressent à l’omnicanalité, comme lors de la session consacrée au paiement. Le secteur est très dynamique : difficile par exemple d’échapper au BNPL (Buy Now, Pay Later). De plus en plus présente sur les sites ecommerce, cette option permet aux consommateurs de tester puis renvoyer ce qu’ils ne souhaitent pas garder pour n’être finalement facturés que des produits choisis. Une flexibilité qui consolide le e-commerce comme un espace transactionnel, là où il peine encore à proposer une véritable expérience d’achat engageante au-delà des essais virtuels en réalité augmentée (Ikea, L’Oréal, Balenciaga…). Ces services financiers rencontrent un succès exponentiel et apparaissent sur de plus en plus de sites.
- Le metaverse, nouveau terrain de jeu du retail : c’était un des sujets majeurs de cette édition 2022 du salon, notamment abordé par les conférenciers lorsque la question du futur du retail leur a été posée. De manière générale, il fait consensus que l’intégration du virtuel dans le physique et inversement a déjà commencé. Hyperconnectées, portable greffé à la main, avec des profils sur de nombreux réseaux sociaux, et adeptes du e-commerce, les nouvelles générations ont déjà un pied dans ce monde virtuel ou futur metaverse. Des plateformes comme Roblox, Fortnite ou Minecraft permettent déjà aux marques d’explorer ce nouvel espace. Jumeau numérique de boutique avec Burberry, flagships virtuels avec Fendi et Lancôme ou encore P&G avec son lab metaverse sur le CES. Les marques se positionnent aussi sur les assets virtuels avec des produits physiques bénéficiant de leur double virtuel ou des exclusivités uniquement au format NFT. Sujet controversé, il a néanmoins été au cœur du débat et les spécialistes ayant creusé la question y voient clairement de nouvelles opportunités pour les marques, à commencer par la publicité.
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